Syrie : plus de 1 300 morts, des affrontements entre factions et des civils tués

Depuis début mars, des affrontements entre fidèles du président déchu Bachar al-Assad et forces de sécurité embrasent la Syrie. Les violences se concentrent sur le littoral syrien, bastion de la minorité alaouite, une branche de l’islam chiite, dont est issu l’ex-président. Depuis jeudi 6 mars, plus de 1.300 personnes sont mortes tandis que la communauté internationale appelle à cesser les combats.
Le 8 décembre dernier, les factions rebelles syriennes mettaient fin à 13 ans de guerre civile en renversant le président Bachar al-Assad, marquant la fin de plus de 50 ans de règne sans partage du clan Assad. Depuis, le groupe islamiste sunnite radical Hayat Tahrir al-Sham (HTS), qui a dirigé la coalition des rebelles avec Ahmad al-Chareh à sa tête, s’efforce de rassurer les minorités et donner des gages à la communauté internationale.

Mais, depuis début mars, de sanglants affrontements entre les partisans de Bachar-al Assad et les forces de sécurité ont fait plus de 1.300 morts, en majorité des civils, dans des violences sans précédent depuis la chute du dictateur.

• Quelle est la situation depuis la chute de Bachar al-Assad?
Après plus de 13 ans de guerre civile, la présence de multiples factions armées aux allégeances diverses rend difficile le contrôle de l’ensemble du territoire, dans un pays multiconfessionnel et multiethnique.

La minorité alaouite, une branche de l’islam chiite, dont est issu l’ex-président Bachar al-Assad, représente environ 9 % de la population syrienne majoritairement sunnite. Les alaouites étaient fortement représentés dans l’appareil militaire et sécuritaire de l’ancien pouvoir, qui a eu recours à la répression et la torture pour museler l’opposition.

Dans le nord-est du pays, le nouveau pouvoir doit composer avec les forces kurdes, qui refusent de renoncer aux acquis de l’autonomie obtenue au fil du conflit. La minorité druze, une branche de l’islam chiite, estimée à environ 3% de la population syrienne, a longtemps été en retrait de la guerre civile, en évitant en grande partie l’enrôlement forcé dans l’armée syrienne.

Depuis la chute du régime, c’est Ahmad al-Chareh, leader du HTS, qui a pris la tête du pays et assure désormais la présidence par intérim. HTS a ses racines dans la branche syrienne d’Al-Qaïda et reste désigné comme organisation terroriste par de nombreux gouvernements, dont les États-Unis.

• Que se passe-t-il depuis jeudi?
Les violents affrontements, qui ont dégénéré jeudi 6 mars, sont le reflet de cette situation sécuritaire complexe.

Ces violences, sans précédent depuis la chute de Bachar al-Assad, ont été déclenchées par une attaque sanglante de partisans de l’ancien président contre les forces de sécurité près de la ville de Lattaquié, dans l’ouest de la Syrie, ex-bastion du pouvoir déchu et berceau de la communauté alaouite.

Les autorités ont ensuite envoyé des renforts dans les provinces voisines de Lattaquié et Tartous, où les forces de sécurité ont lancé d’importantes opérations pour traquer les partisans de l’ex-président.

D’après l’Observatoire des droits de l’Homme (OSDH), qui dispose d’un vaste réseau de sources en Syrie, 830 civils alaouites ont été tués depuis jeudi. Au moins 481 membres des forces de sécurité et des combattants pro-Assad ont aussi péri, a précisé l’Observatoire. Soit au moins 1.311 morts au total.

• Pourquoi les alaouites sont-ils traqués?
Ce dimanche 9 mars, le ministère de l’Intérieur syrien a annoncé l’envoi de « renforts supplémentaires » pour « rétablir le calme » à Qadmous, un village de la province de Tartous. Les forces de sécurité « traquent les derniers hommes fidèles à l’ancien régime à Qadmous et dans les villages environnants ».

L’agence officielle syrienne Sana a rapporté de « violents affrontements » à Taanita, un village dans la montagne de la province de Tartous, où ont fui « de nombreux criminels de guerre affiliés au régime renversé et des groupes d’hommes fidèles à Assad qui les protègent ».

Un convoi de 12 véhicules militaires est entré dans le quartier de Bisnada, dans la province de Lattaquié, où les forces de sécurité fouillent des habitations. Toutes les routes menant à la région côtière ont été fermées « afin de prévenir les exactions », selon les autorités.

Aron Lund, du centre de réflexion Century International, a expliqué à l’AFP que la flambée de violences témoigne de la « fragilité du gouvernement », dont une grande partie de l’autorité « repose sur des jihadistes radicaux qui considèrent les alaouites comme des ennemis de Dieu ». Même si Ahmad al-Chareh a promis de protéger les minorités, cette ligne n’est pas nécessairement partagée par l’ensemble des factions qui opèrent sous son commandement, a souligné Aron Lund.

• Quelle est la position du gouvernement syrien?
La première réponse d’Ahmad al-Chareh a été de menacer les insurgés alaouites, les appelant à se rendre « avant qu’il ne soit trop tard », promettant de poursuivre la lutte contre « les armes incontrôlées ».

« Vous vous en êtes pris à tous les Syriens et avez commis une faute impardonnable. La riposte est tombée, et vous n’avez pas pu la supporter. Déposez vos armes et rendez-vous avant qu’il ne soit trop tard », a déclaré le président par intérim vendredi.

Deux jours plus tard, ce dimanche, il a appelé, lors d’un discours dans une mosquée de Damas, à « préserver l’unité nationale, la paix civile autant que possible ». « Et, si Dieu le veut, nous serons capables de vivre ensemble dans ce pays », a-t-il ajouté.

Pour mettre fin aux violences, la présidence syrienne a annoncé la formation d’une commission « indépendante » pour enquêter sur les tueries. Cette commission, qui sera composée de sept personnes, sera notamment chargée d’enquêter sur « les exactions contre les civils », de « désigner les responsables » et de les traduire en justice. Le président syrien a par ailleurs promis de poursuivre « tous ceux impliqués dans l’effusion de sang des civils ».

• Comment la communauté internationale a-t-elle réagi?
Alors que, depuis son arrivée au pouvoir, Ahmad al-Chareh s’efforce d’obtenir le soutien de la communauté internationale, cette dernière a vivement dénoncé les violences meurtrières dans le pays.

« Les tueries de civils dans les zones côtières du nord-ouest de la Syrie doivent cesser, immédiatement », a notamment exhorté Volker Türk, Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, faisant état de rapports « extrêmement inquiétants » évoquant des familles entières tuées dans le nord-ouest du pays.

La diplomatie française a appelé à faire « condamner » les « perpétrateurs », tout en « condamnant avec la plus grande fermeté les exactions » contre les civils. Une déclaration qui fait écho à celle des États-Unis, qui a dénoncé les « massacres » des minorités visées.

Avec BFMTV

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