Séries d’accidents successifs: L’Etat interdit la circulation de nuit

L’accident a eu lieu la nuit ; on interdit la circulation de nuit. L’accident est dû à un éclatement des pneus ; on interdit les pneus usagés… Ainsi fonctionne un gouvernement de réaction, sans vision contre les difficultés du secteur des transports. Souvent réactif au lieu d’être proactif, le gouvernement peine dans l’application des 22 mesures qu’il a élaborées, suite au drame de Sikilo. Au-delà de la cupidité des transporteurs, ils sont nombreux les Sénégalais à émettre des réserves sur la pertinence desdites mesures et leur opérationnalité immédiate.

L’accident a eu lieu la nuit ; on interdit la circulation de nuit. L’accident est dû à un éclatement des pneus ; on interdit les pneus usagés. Le véhicule est âgé ; limitons l’âge de circulation des véhicules de transport à 10 ans… Ainsi fonctionne un gouvernement de réaction, sans véritable vision pour prendre efficacement en charge les difficultés du secteur des transports. À la suite de l’accident de Sikilo qui a couté la vie à 42 passagers, il a pris une série de mesures, qu’il n’était nul besoin d’être expert pour savoir que les plus importantes étaient vouées à l’échec. Moins leur pertinence, c’est plutôt leur précipitation et la détermination à les mettre en œuvre d’urgence qui posait le plus problème. L’une des illustrations les plus parfaites, c’est de vouloir démanteler les porte-bagages – on ne parlait même pas de limitation des bagages – dans un pays où il n’y a presque aucun système organisé de transport des bagages pour les voyageurs.

Au-delà des transporteurs qui y voient des pertes de recettes importantes, la mesure a même du mal à passer auprès des clients qui n’ont pas d’autres alternatives pour convoyer leurs bagages.

Au total, elles sont au nombre de 22 mesures. Leur dénominateur commun, c’est de donner l’air de rejeter presque toute la responsabilité sur les transporteurs. Rien ou très peu sur l’État et ses démembrements qui leur donnent les documents nécessaires à la mise en service ou qui les laissent circuler librement, alors que beaucoup de ces véhicules n’auraient jamais dû l’être sans la corruption et le laxisme de l’État. Piqué par l’émoi suscité par le drame de Sikilo, l’État opte donc pour un renforcement des mesures, alors même qu’il n’a jamais réussi à appliquer correctement les dispositions qui existent. Pire, tous les sacrifices, financiers ou matériels, sont attendus des transporteurs et des usagers. D’où la levée de boucliers des acteurs du secteur qui ont décrété une grève illimitée à partir de mardi 00 h.

Sur certains points, la précipitation du gouvernement est en tout cas manifeste. Sans concertation, ni évaluation, celui-ci a pris des mesures discutables qui impactent drastiquement le secteur. Par exemple, là où l’obscurité des routes est indexée parmi les causes d’accidents, c’est les transporteurs et les usagers qui doivent renoncer à voyager la nuit, entre 23 h et 5 h. Le gouvernement n’est pas sommé d’éclairer les routes. Là où la vétusté des véhicules est remise en cause, on enjoint aux transporteurs de changer leurs parcs tous les 10 ans, oubliant que l’État a déjà des services chargés de vérifier qui est apte à circuler à travers notamment la visite technique. Il en est de même pour les pneus ; on impose une interdiction pure et simplement des pneus usagés. Les syndicalistes exigent ‘’qu’ils mettent sur la table les 22 mesures afin que nous, les acteurs concernés au premier plan, puissions en discuter. Point par point, ils nous diront pourquoi la mesure a été prise et nous leur donnerons nos observations. Peut-être on pourra trouver un accord sur l’ensemble des points, peut-être sur certains, peut-être sur aucun, mais il faut qu’on en discute’’.

Serigne Mboup passe au peigne fin certaines mesures

Vendeur et loueur de véhicules, il estime que le secteur du transport est très rentable. S’il est bien organisé, un bus peut être amorti en deux ans et en ce moment, on pourra penser à fixer sa durée d’exploitation. En attendant, insiste-t-il, certaines mesures sont bonnes, mais il faut les mettre en œuvre progressivement. En revanche, certaines sont à revoir. ‘’À mon avis, souligne-t-il, circuler de 23 h à 5 h ou pendant la journée, c’est la même chose. L’accident qui est arrivé (celui de Sikilo) aurait pu arriver à n’importe quelle heure. Le plus important, c’est de réglementer le secteur’’.

Relativement à la durée d’exploitation des voitures, M. Mboup considère qu’il est plus pertinent de vérifier l’état des véhicules. ‘’Je ne dis pas que ce n’est pas important. Mais il y a des préalables pour en arriver à ce stade. Aussi, il faut retenir qu’un véhicule de 10 ans, bien entretenu, peut être de meilleur état qu’un véhicule de cinq ans mal entretenu. Comme je l’ai dit, on a beau avoir de voitures neuves, de bonnes routes, si le chauffeur n’est pas mis dans de bonnes conditions de travail, c’est la catastrophe. Il cherchera toujours à rouler vite pour gagner plus d’argent’’. Serigne Mboup d’ajouter : ‘’Moi, je vends des voitures ; j’aurais bien aimé vous dire que c’est bien (d’exiger des voitures neuves), mais je mentirais.’’

rewmi.com

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