Un soulagement pour Rishi Sunak. Largement devancé dans les sondages par les travaillistes en ce début d’année électorale, le Premier ministre a mis tout son poids dans la balance pour faire aboutir ce projet censé montrer sa fermeté sur une préoccupation majeure de sa base, mais qui aura exposé à vif les divisions de sa majorité, les modérés redoutant une atteinte au droit international et les plus à droite voulant aller plus loin.
Ce texte vise à répondre aux objections de la Cour suprême britannique, qui a jugé le projet illégal dans sa version précédente par crainte notamment pour la sécurité des demandeurs d’asile envoyés au Rwanda. Selon le projet, ces derniers, d’où qu’ils viennent, verraient leur dossier examiné au Rwanda et ne pourraient ensuite en aucun cas retourner au Royaume-Uni, ne pouvant obtenir l’asile que dans le pays africain en cas de succès.
Lors de son examen, des dizaines de députés conservateurs ont soutenu, en vain, des amendements visant à durcir le texte, tentant notamment de limiter le droit des migrants à faire appel de leur expulsion. La tension est également montée d’un cran après la démission mardi de deux vice-présidents du parti conservateur, partisans d’une ligne plus dure, qui ont reçu le soutien de l’ancien Premier ministre Boris Johnson.
Nouveau traité
Annoncé en avril 2022 par ce dernier, ce projet visait à décourager l’afflux de migrants dans des petites embarcations à travers la Manche : près de 30 000 l’an dernier après un record en 2022 (45 000). Mais le texte n’a jusque-là jamais pu être mis en œuvre. Un premier avion a été bloqué in extremis par une décision de la justice européenne, puis la justice britannique avait, jusqu’à la Cour suprême, déclaré le projet illégal dans sa version initiale.
Pour tenter de sauver son texte, vivement critiqué par les associations humanitaires, le gouvernement a signé un nouveau traité avec le Rwanda. Il est adossé à ce nouveau projet de loi qui définit le Rwanda comme un pays-tiers sûr et empêche le renvoi des migrants vers leurs pays d’origine. Il propose également de ne pas appliquer aux expulsions certaines dispositions de la loi britannique sur les droits humains, pour limiter les recours en justice.
L’agence de l’ONU pour les réfugiés (HCR) a estimé mercredi que la dernière version du projet n’était « pas compatible » avec le droit international.
Le texte projet de loi devra désormais être approuvé par les membres non élus de la Chambre des Lords, qui pourraient fort bien l’amender. Et s’il est adopté à temps avant les législatives, prévues en l’état à l’automne, le Labour, mené par Keir Starmer, a promis de l’abroger s’il arrive au pouvoir après quatorze ans dans l’opposition.
« Nous pouvons renvoyer l’argent », dit Kagame
En déplacement au Forum économique mondial à Davos, en Suisse, le président rwandais Paul Kagame a commenté ce mercredi l’accord bilatéral de son pays avec le Royaume-Uni. Un accord controversé qui prévoit l’envoi à Kigali de migrants arrivés illégalement sur le territoire britannique, dénoncé par de nombreuses organisations de défense des droits humains et par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Interpellé à la volée par des journalistes de la BBC, le chef d’État est notamment revenu sur l’aspect financier de l’accord.
Si les demandeurs d’asile ne viennent pas, « nous pouvons renvoyer l’argent », a-t-il affirmé. Au total, le gouvernement du Royaume-Uni a annoncé en décembre dernier avoir déjà payé à Kigali près de 240 millions de livres sterling, 140 millions en 2022 et 100 millions supplémentaires l’année dernière. Un nouveau paiement de 50 millions de livres est également prévu en 2024. Un investissement destiné, selon les autorités britanniques, à la couverture des coûts initiaux de l’installation des migrants et au développement économique du Rwanda, précise notre correspondante à Kigali, Lucie Mouillaud.
Également interrogé sur les obstacles juridiques à la mise en œuvre de l’accord, le chef d’État a répondu que ce n’était pas le problème de son pays, mais celui du Royaume-Uni.