C’est une attaque sans précédent qui a visé jeudi 7 décembre la mission de l’ONU dans l’est de la RDC. Au moins 15 casques bleus ont été tués, 3 portés disparus et 53 blessés dans l’attaque contre la base de la Monusco située à côté du pont Semuliki, en plein « triangle de la mort » du territoire de Beni. La position de l’armée congolaise la plus proche se trouvait juste de l’autre côté du pont de Semuliki au PK40 à une dizaine de kilomètres et serait intervenue au secours des casques bleus.
Selon les premiers éléments d’information recueillis par RFI, l’attaque aurait débuté jeudi aux environs de 17h30, en fin de journée sur cet axe entre Mbau et la frontière ougandaise. Le camp des casques bleus est situé juste à côté du pont de Semuliki, l’une des zones les plus dangereuses de ce territoire de Beni. L’armée congolaise dit avoir une position juste de l’autre côté du pont, à une dizaine de kilomètres à peine, une autre position à une trentaine. « Ce n’était pas nous qui étions visés mais nous sommes intervenus », assure le porte-parole de l’armée congolaise à Beni.
Attaque à l’arme lourde
Environ une heure et demie après le début de l’attaque, vers 18h30-19h, la mission onusienne perd tout contact avec ses casques bleus. Un black-out qui aurait duré jusqu’au matin. Selon le porte-parole de la Monusco, il y a eu des réunions entre l’ONU et l’armée congolaise pour savoir quelle réponse apporter, des renforts ont été envoyés, les blessés évacués et une enquête ouverte. Mais c’est à peu près tout.
Après une relative accalmie, ces trois derniers mois, les militaires congolais et les casques bleus ont été à nouveau et plus régulièrement pris pour cible. Par qui et pourquoi? Difficile de le dire, mais vendredi des sources militaires comme onusiennes évoquaient une attaque à l’arme lourde. Ce qui pourrait peut-être expliquer ce très lourd bilan, que la moitié des casques bleus de cette base, mieux armés pourtant que d’autres, aient pu être tués ou même blessés.
Le groupe d’études sur le Congo de l’université de New York a enquêté pendant près de deux ans sur Beni et sur ces tueurs que l’on range parfois trop rapidement sous l’étiquette ADF. Pour son responsable, Jason Stearns, il faut se méfier des conclusions hâtives. « Ce qui me frappe c’est que j’ai parlé juste après l’attaque avec des officiels de la Monusco, des humanitaires sur le terrain, et même eux, ils sont frappés par le fait qu’ils ne savent pas exactement ce qui s’est passé… Même pour les gens qui sont sur place, il y a un vrai mystère autour de l’identité des attaquants.
Il faut mettre ça dans le contexte: l’année passée jusqu’à il y a deux-trois mois c’était relativement calme dans l’Etat de Béni. Il y avait eu des massacres de 2014 jusqu’à 2016 et après 2016 la situation s’était plus ou moins calmée. Et il y a trois-quatre mois, on a vu une recrudescence de violences autour de Béni. Surtout cette route, celle qui mène de Béni jusqu’à la frontière à Nobili en Ouganda: on y a vu des attaques qui ne ressemblaient pas aux attaques du passé. C’étaient des attaques avec des attaquants lourdement armés et qui ciblaient des cibles militaires : FARDC et Monusco.
Plus que jamais, il faut vraiment investir dans des moyens – ce que la Monusco est en train de faire maintenant – de vrais ressources, pour savoir exactement ce qui s’est passé ».
Cinq FARDC tués selon l’ONU, aucun selon l’armée
Si l’ONU annonce 5 militaires congolais tués dans l’attaque intervenue jeudi, le porte-parole de l’armée à Beni donne un tout autre bilan : un militaire blessé, un disparu et 72 assaillants tués. La Monusco comme l’armée pointent la responsabilité de présumés ADF, ces rebelles islamistes ougandais qui sévissent depuis vingt ans dans cette région.
Mais pour Jean-Paul Paluku Ngahangondi, activiste des droits de l’homme à Oicha contacté par RFI, cette attaque pose plus de questions que de réponses. Lui préfère ne pas se prononcer sur les auteurs de cette attaque, surtout qu’officiellement les ADF sont sous le feu d’opérations conjointes FARDC – ONU depuis près de trois ans.
«Crime de guerre»
« C’est la pire attaque contre des soldats de la paix des Nations unies dans l’histoire récente de l’organisation », a réagi son secrétaire général Antonio Guterres, se déclarant « indigné » face à ce « crime de guerre » qui a principalement touché des soldats tanzaniens. Une force onusienne n’avait pas subi une opération aussi sanglante depuis la mort de 24 casques bleus pakistanais à Mogadiscio en Somalie le 5 juin 1993.