Qui lance encore des projets pétroliers et gaziers?

Plus de 400 projets pétroliers et gaziers ont été officiellement approuvés dans le monde en 2022 et 2023, en dépit des appels à renoncer à tout nouveau projet d’hydrocarbures pour avoir encore une chance de limiter le réchauffement de la planète.

Au total, 437 projets impliquent environ 200 entreprises privées et publiques, dans 58 pays, selon des chiffres de l’ONG Reclaim finance analysés à partir des données du cabinet Rystad Energy et obtenus par l’AFP.

 

– Point chaud de la COP28 –

 

Ces données, arrêtées au 23 novembre, illustrent le décalage persistant entre le monde des hydrocarbures et les recommandations formulées par l’Agence internationale de l’énergie (AIE) pour tenir la trajectoire de la neutralité carbone en 2050.

En mai 2021, l’agence créée en 1974 en réponse au choc pétrolier lançait un avertissement explosif: « Aucun nouveau projet de champs gaziers et pétroliers n’est nécessaire au-delà de ceux qui ont déjà été approuvés en vue de leur développement ».

Depuis, deux COP se sont tenues sans mention du pétrole et du gaz, causes principales du réchauffement avec le charbon.

« On est en plein déni de l’urgence écologique et des conclusions qui sont portées par les scientifiques du Giec, mais aussi par les projections de l’Agence internationale de l’énergie »,  souligne auprès de l’AFP Lucie Pinson, directrice de Reclaim Finance.

 

– Qui sont derrière ces projets ?

 

Deux ans après le rapport de l’AIE, l’expansion fossile continue: 437 projets ont obtenu depuis 2022 leur décision finale d’investissement, une étape d’engagement financier décisive pour développer et mettre en production un champ d’hydrocarbures.

Chaque projet peut comporter plusieurs actifs (ou champs) et avoir plusieurs entreprises comme actionnaires. Une fois mis en production, ces projets produiront pendant des années du pétrole (60% des volumes) et du gaz (40%).

Les données confirment le rôle prépondérant des compagnies de pays producteurs, au statut public ou para-public, dans l’expansion fossile, des acteurs très discrets, moins soumis à la pression de l’opinion sur le climat que les majors occidentales.

En volume, 57% des projets pétrogaziers sont entrepris par des compagnies nationales de pays producteurs et 43% par des compagnies privées dont 22% impliquent les sept supermajors (BP, ConocoPhillips, Chevron, Eni, ExxonMobil, Shell, TotalEnergies), le reste provenant de sociétés de plus petites tailles.

Les cinq pays accueillant les plus gros volumes attendus de production de gaz et pétrole (en millions d’équivalents barils de pétrole) sont le Qatar (17%), l’Arabie saoudite (13%), le Brésil (10%), les Etats-Unis (8%) et les Emirats arabes unis, pays hôte de la COP28 (6%).

La Russie concentre le plus grand nombre de projets (52), devant la Norvège (33).

La compagnie nationale algérienne Sonatrach a le plus grand nombre de projets approuvés (22).

Les 10 entreprises les plus impliquées dans ces projets pétrogaziers couvrent 67% des futures capacités avec cinq compagnies nationales pour 46% et cinq supermajors occidentales (21%).

La compagnie nationale saoudienne Aramco, premier producteur d’or noir au monde, arrive en tête des plus gros développeurs de projets pétroliers avec 17% de la production attendue, suivie de l’Américaine ExxonMobil (12%), la Brésilienne Petrobras (10%) et l’Emiratie Adnoc (7%), la compagnie d’Etat dirigée par le président de la COP28, Sultan Al Jaber, à égalité avec QatarEnergy. La Française TotalEnergies totalise 5% de la production attendue.

Pour le gaz, le plus gros développeur en volumes est QatarEnergy (30%) suivi de Shell (9%), Aramco (6%) et Adnoc (5%).

 

– « Pas si vite », disent les pétroliers –

 

L’AIE a beau entrevoir un pic mondial de la demande de gaz et pétrole d’ici 2030, le secteur estime que l’essor des énergies renouvelables n’est pas assez rapide pour remplacer les énergies fossiles. Le monde en a encore « désespérément besoin », assurait en juilllet le directeur général de Shell, Wael Sawan.

« C’est particulièrement inquiétant de voir derrière ces projets des entreprises qui sont qualifiées beaucoup par les acteurs financiers européens comme des entreprises en transition, comme TotalEnergies, Shell ou BP », dénonce Lucie Pinson, à Reclaim finance.

Plusieurs compagnies européennes comme Shell, BP et Enel ont annoncé une révision en baisse de certains de leurs objectifs de transition énergétique. TotalEnergies compte augmenter sa production d’hydrocarbures de 2 à 3% dans les cinq prochaines années.

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