PRÉSIDENTIELLE AU KENYA: le pouvoir et l’opposition se rendent coup pour coup

Au Kenya, après l’élection présidentielle, la crise politique perdure. Suite à la réélection d’Uhuru Kenyatta, l’opposition avait annoncé un programme de résistance avec la création d’une assemblée du peuple, des actions de rétorsion économique. Et depuis ce matin, c’est désormais chose faite, puisque la coalition Nasa a demandé à ses militants de boycotter plusieurs grandes entreprises.

La coalition de l’opposition appelle cela le « Programme de libération économique ». Il s’agit de viser des entreprises qui, selon l’opposition, soutiennent le pouvoir et bénéficient du pouvoir. Mais aussi qui fournissent des personnes ayant du « sang de Kényans sur leurs mains », explique la Nasa. « Nous voulons un boycott qui fasse mal, qui mette ces sociétés à genou jusqu’à ce qu’elles se battent pour des élections libres et crédibles », indique l’opposition.

Première cible : Safaricom, le premier opérateur téléphonique du pays. Il a été utilisé par la Commission électorale dans son système de transmission des résultats. La Nasa explique que les boîtiers transmettant les résultats grâce à Safaricom ont vu les chiffres transférés vers un serveur en Espagne, sans jamais revenir au Kenya, ce qui aurait permis au pouvoir de modifier ces résultats. La Nasa accuse les dirigeants de Safaricom d’avoir fermé les yeux et donc d’être complice.

Deuxième cible : Brookside Dairy, premier groupe laitier contrôlé par la famille du président Kenyatta. La Nasa accuse l’entreprise d’avoir augmenté ses marges sur le dos des agriculteurs et des consommateurs.

Troisième cible : Bidco, qui fabrique notamment de l’huile alimentaire et du savon. Selon l’opposition, son directeur général Vimal Shah est un supporter du pouvoir. L’opposition a donné une semaine aux Kényans pour boycotter ces trois sociétés et elle a promis que la liste allait s’allonger dans les prochains jours.

UN NOUVEAU TEXTE DE LOI FAVORABLE A KENYATTA

Pouvoir et opposition se rendent coup pour coup puisque un projet d’amendement constitutionnel, modifiant les règles électorales, vient de devenir officiellement un texte de loi. Et certains disent que cette loi est taillée sur mesure pour Uhuru Kenyatta.

Désormais, en cas de recours devant la Cour suprême, les juges vont avoir plus de mal pour annuler l’élection. Non seulement pour invalider un scrutin, il faut que le processus électoral ait violé la Constitution, mais aussi que cela ait changé le résultat final. Il faut les deux conditions réunies.

Ce texte avait été voté au Parlement avant l’élection. On n’attendait plus que la signature du président Kenyatta pour le ratifier. Les ambassadeurs s’étaient alarmés, ils avaient demandé publiquement au chef de l’Etat de ne pas signer, que l’on ne pouvait pas dans une démocratie changer les règles du jeu électoral au milieu d’une élection.

Dans son premier discours de président rééluUhuru Kenyatta avait d’ailleurs déclaré : « Vous voyez, je n’ai pas signé le texte. J’ai écouté les inquiétudes des uns et des autres ». Sauf que la loi kényane stipule bien que si au bout de deux semaines, un texte voté n’est pas signé par le chef de l’Etat, il entre automatiquement en vigueur. Ce vendredi matin, John Mbadi, le président du parti d’opposition ODM, a traité le président Uhuru Kenyatta d’hypocrite et ce texte d’anticonstitutionnel.

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