Le Premier ministre Ousmane Sonko a présidé une importante réunion interministérielle le 8 octobre 2024, axée sur le retour des déplacés dans les régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda.
À cette occasion, 22 décisions majeures ont été prises pour consolider la paix et favoriser la réinsertion socio-économique des populations de retour dans leurs villages.
Voici le projet de relevé des décisions qu’il a pris à cet effet:
A- AU TITRE DE L’ETAT DES LIEUX
1. A la date du 08 octobre 2024, la situation des déplacés dans les régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda se présente comme suit :
Nombre de villages de retour : 197
Nombre de ménages de retour : 5 655
Nombre de villages en attente de retour dans les régions de Ziguinchor et de Sedhiou : 37 soit 15,8%
Nombre de ménages en attente de retour : 992 soit 14,9%.
2. Ces retours ont été facilités par les actions menées relatives à l’amélioration des conditions sécuritaires ainsi qu’à la réinsertion socio-économique à savoir : (i) l’aménagement de périmètres d’habitation, (ii) la construction de structures de scolarisation, (iii) l’octroi de matériaux de construction, (iv) la réalisation d’ouvrages hydrauliques et hydroagricoles, (v) la promotion d’activités socio-culturelles, agricoles, sylvicoles et commerciales génératrices de revenus, (vi) la réalisation de pistes et de barrages anti-sels.
3. Concernant les conditions sécuritaires, la stratégie nationale du déminage humanitaire lancée en 2008 par le Centre National d’Actions Antimines au Sénégal (CNAMS), a donné des résultats globalement satisfaisants, à savoir :
la décontamination d’une superficie totale de 2.118.125 m² dans dix (10) communes et la RN6, soit un total de 500 engins explosifs détruits.
un objectif de décontamination sur le reste de l’année 2024 de 356.970 m² dans 32 zones dangereuses confirmées (ZDC) dont : douze (12) zones à Ziguinchor pour 150.578 m², dix (10) zones à Bignona pour une superficie de 111.375 m², neuf (9) zones à Oussouye pour 77.240 m2 et une (1) zone à Goudomp avec une superficie de 17 776 m2 .
4. Il y a lieu de se féliciter de l’engagement remarquable de l’administration territoriale, des collectivités territoriales, des forces de défense et de sécurité et des acteurs non étatiques engagés depuis des décennies dans l’accompagnement des populations déplacées, en vue de la consolidation de la paix.
5. Parmi ces acteurs non étatiques, on peut notamment citer la plate-forme des femmes pour la paix en Casamance, le Centre national d’Assistance et de Formation pour les Femmes, le Comité Régional de Solidarité des Femmes pour la Paix en Casamance / CRSFPC USOFORAL, les femmes du bois sacré, le Projet d’appui régional à l’initiative pour l’irrigation au Sahel (PARIIS), les autorités religieuses (imams et évêques), les autorités coutumières (rois et reines), ainsi que toutes les Organisations non gouvernementales et bonnes volontés, sans exclusive.
Ces actions seront poursuivies sur le reste de l’année 2024 et renforcées en 2025, afin d’assurer le retour intégral des déplacés et l’installation définitive de la paix.
6. Les défis à prendre en charge sont relatifs notamment à la cristallisation de la paix, la lutte contre les trafics de bois et de produits illicites, au désenclavement, à la satisfaction intégrale, dans de brefs délais, des besoins de base des populations ainsi qu’à la résolution des conflits notamment fonciers.
A cette fin, les décisions ci-après ont été retenues à l’issue du présent Conseil interministériel.
B. AU TITRE DE LA GOUVERNANCE
7. J’engage le Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, en relation avec le Ministre des Forces armées à mettre en place, par arrêté ministériel, au plus tard le 31 octobre 2024, respectivement dans les régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda, un comité régional inclusif de pilotage du plan spécial 2024-2025, d’accompagnement des déplacés de retour, sous la présidence des Gouverneurs de région et comprenant entre autres, l’ANRAC, les Collectivités territoriales, les Organisations de la Société civile, les organisations de jeunesse de femmes, les différents réseaux communautaires ;
8. J’invite le Ministre, Secrétaire général du Gouvernement, en relation avec le Ministre des Finances et du Budget, à renforcer les capacités institutionnelles et budgétaires de l’Agence nationale pour la Relance des Activités économiques en Casamance (ANRAC) chargée de coordonner l’exécution des interventions du plan spécial 2024-2025 d’accompagnement des déplacés de retour, sous la supervision du Comité de pilotage.
9. Je demande au Ministre des Affaires étrangères, en relation avec les ministres concernés, à engager les réflexions en vue de me proposer le positionnement institutionnel adéquat du Centre National d’Actions Antimines au Sénégal (CNAMS), actuellement rattaché du Ministère de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères.
C. AU TITRE DES INTERVENTIONS
10. Je demande au Ministre des Forces armées, au Ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, au Ministre des Finances et du Budget ainsi qu’au Ministre chargé de l’environnement, de faire prendre les dispositions appropriées par leurs structures et unités respectives, en vue d’assurer les conditions optimales de sécurisation des zones, suivant leurs compétences respectives ; les dispositions doivent être également prises pour le retour des services publics essentiels dans lesdites zones y compris le renforcement de la couverture des services numériques et de santé.
11. J’engage le Ministre des Affaires de l’intégration africaine et des affaires étrangères, en relation avec toutes les parties prenantes, à parachever le déminage humanitaire de la superficie globale contaminée restante estimée à 1 500 000 m2. Le Ministre des Finances et du Budget est instruit de prendre en charge dans le budget de l’Etat, le financement intégral des opérations d’un coût estimatif de 15 milliards FCFA. Ces actions devront être conduites en considérant que la Convention d’Ottawa sur l’interdiction des mines anti-personnel a fixé au Sénégal le délai de mars 2026 pour le nettoiement des superficies contaminées.
12. J’engage l’ANRAC à créer une base de données pour le suivi des conditions socio-économiques des populations et des ménages de retour et d’adresser un Rapport mensuel au Premier Ministre ; un accent particulier devra être accordé à la problématique de l’état civil des personnes de retour. Je demande, à cet égard, aux Ministres chargés de la Justice, des collectivités territoriales et de l’intérieur, de prendre les dispositions appropriées à cet effet.
13. J’engage l’ANRAC à procéder à la cartographie, par domaine d’intervention, des acteurs intervenant dans les zones de retour des déplacés pour assurer une meilleure coordination ainsi que plus d’équité et de ciblage dans les interventions.
14. Je demande aux Gouverneurs des régions de Ziguinchor, Sédhiou et Kolda, de veiller, en rapport avec l’Administration centrale, au recours en priorité aux très petites, petites et moyennes entreprises et à la main d’œuvre locales dans la conduite des projets gouvernementaux ou appuyés par l’Etat ; créer une expertise locale pour l’entretien et le maintien des infrastructures, du matériel et des équipements.
15. J’engage le Service Civique national et du Volontariat, dans le cadre de ses interventions, à prévoir un dispositif adapté d’accompagnement des déplacés, pour assurer l’employabilité et l’emploi des jeunes et des femmes ; dans ce cadre, créer les conditions d’un développement continu d’une expertise locale pour l’entretien et la maintenance des infrastructures, du matériel et des équipements.
16. J’exhorte le Ministre de la Microfinance et de l’Economie sociale et solidaire et, le Ministre de l’Industrie et du Commerce, le Ministre chargé de l’agriculture et le Secrétaire d’Etat aux PME-PMI, à déployer les mécanismes appropriés d’appui et de conseil, en relation avec l’écosystème, dans le cadre de la mise en œuvre des actions et interventions au profit des déplacés. Dans ce cadre, les mécanismes d’appui et de promotion du financement des TPE, PME, PMI, Artisans (FONGIP, ADEPME, DER/FJ, Bureau de Mise à Niveau) doivent déployer des actions formelles avec des enveloppes financières dédiées et des contrats de performance.
17. Je charge le Ministère des Forces armées, au travers du Génie militaire, d’assurer la maîtrise déléguée des travaux d’infrastructures et d’aménagement dans la zone, en relation avec l’ANRAC en sa qualité de maître d’œuvre.
18. Je demande au Ministre des Finances et du Budget d’assurer la mobilisation des ressources budgétaires destinées aux interventions des départements ministériels, d’un montant global de 53 629 248 187 FCFA structuré comme suit :
Pour le reste de l’année 2024, 22,6 milliards FCFA :
Ziguinchor : 9,00 milliards FCFA ;
Sédhiou : 3,8 milliards FCFA ;
Kolda : 9,8 milliards FCFA.
Pour l’année 2025, 30,9 milliards FCFA ainsi répartis :
Ziguinchor : 20,1 milliards FCFA ;
Sédhiou : 6,9 milliards FCFA ;
Kolda : 3,9 milliards FCFA.
En outre, les dispositions idoines devront être prises pour l’inscription en 2025 et 2026 des crédits budgétaires requis pour le programme de déminage.
D. AU TITRE DES PERSPECTIVES ET DU SUIVI
19. Prévoir dans les programmes de mise en œuvre du Référentiel de Développement économique et social du Sénégal à exécuter au niveau des départements ministériels concernés, des projets spécifiques dédiés à l’accompagnement des déplacés de retour et en attente de retour.
20. Les Ministères concernés par les décisions susvisées sont invités à veiller à une planification optimale des actions, à une coordination étroite des interventions, au respect scrupuleux des engagements souscrits dans le plan d’actions et des délais d’exécution ;
21. Le Ministre, Secrétaire général du Gouvernement est chargé de superviser le suivi par l’ANRAC de l’exécution du plan d’actions ministérielles, en rapport avec les Comités régionaux de pilotage. Un compte rendu mensuel de l’évolution des interventions sera fait au Premier Ministre.
22. Enfin, le Premier Ministre a décidé d’intituler l’ensemble de ces actions sous la dénomination de « Plan Diomaye pour le Casamance » (PDC).