Le projet de nouvelle Constitution au Mali renforce les pouvoirs du président, lui permet d’ordonner la mobilisation générale dans ce pays déstabilisé par la violence, et relègue le français au rang de « langue de travail », selon le texte consulté mardi par l’AFP.
Le chef de la junte qui a pris le pouvoir par la force en 2020, le colonel Assimi Goïta, a reçu le projet lundi.
Cette Constitution est un élément clé du vaste chantier de réformes invoqué par les militaires pour justifier leur maintien au pouvoir. Son adoption serait une étape importante dans le calendrier menant à des élections en février 2024 et à un retour des civils au pouvoir.
Dans le calendrier élaboré par la junte, cette Constitution était censée être soumise à un référendum le 19 mars. Mais le doute est grand sur le respect de cette échéance, et le colonel Goïta n’a rien dit sur le sujet.
Le projet remis au colonel, qui s’est fait investir président en 2021 après un second putsch en moins d’un an, amende un avant-projet divulgué en octobre 2022. Le nouveau projet n’avait pas été publié officiellement mardi matin.
Mais l’AFP a pu consulter le document, qui renforce les pouvoirs présidentiels, comme l’avant-projet de 2022, par rapport à la Constitution de 1992.
Dans la nouvelle Constitution, ce serait le président qui « détermine la politique de la Nation », et non plus le gouvernement; le président nommerait le Premier ministre et les ministres et mettrait fin à leurs fonctions. « Le gouvernement est responsable devant le président », et non plus devant l’Assemblée nationale. L’initiative des lois appartiendrait au président et aux parlementaires, et non plus au gouvernement et à l’Assemblée nationale.
Par rapport à l’avant-projet de 2022, le nouveau projet rétablit le pouvoir du président de dissoudre l’Assemblée nationale.
Le président serait élu pour cinq ans, et ne pourrait effectuer plus de deux mandats.
Le nouveau projet introduit la possibilité pour le président d’ordonner la mobilisation générale, applicable à partir de 18 ans.
Le Mali est en proie depuis 2012 à la propagation jihadiste et aux violences de toutes sortes. La junte a poussé vers la sortie les soldats français en 2022 dans un climat de grande acrimonie et s’est tournée militairement et politiquement vers la Russie.
Dans l’avant-projet de 2022 comme en 1992, le français était « la langue d’expression officielle », et les langues locales avaient vocation à devenir « langues officielles ».
Dans le nouveau projet, « les langues nationales sont les langues officielles du Mali » et « le français est la langue de travail ».
Le projet affirme que le Mali est une « République indépendante, souveraine, unitaire, indivisible, démocratique, laïque et sociale », alors que certaines voix avaient voulu remettre en cause le principe de laïcité.