La lettre posthume de Matar Diagne, étudiant en Master 2 de droit public à l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis, retrouvé sans vie dans une chambre du campus 1, suscite une vive émotion à travers le pays.
Le Professeur Mbaye Thiam, archiviste et documentaliste, s’est exprimé sur la portée de cette missive qui, si elle s’avère authentique, « interpelle profondément toutes les composantes de la société sénégalaise ».
D’après l’ancien directeur de l’École des bibliothécaires, archivistes et documentalistes (EBAD) de l’Université Cheikh-Anta-Diop de Dakar, cette « lettre est comme un sermon qui pourrait être lue dans toutes les mosquées et lieux de croyance, dans tous les établissements d’enseignement et dans tous les services de notre pays ».
Voici l’intégralité de son message.
Si la lettre du défunt Matar DIAGNE s’avère bien authentique, elle constituera à jamais un réquisitoire posthume contre notre société.
À travers sa qualité dans la forme et le fond, cette missive interpelle toutes les composantes de la société sénégalaise. Qu’un garçon de ce niveau se sente ISOLÉ au point de penser et de réaliser stoïquement sa fin, au milieu de milliers de personnes de sa génération, illustre la profonde indifférence d’une société qui se nourrit verbalement et théoriquement de VALEURS, dont la solidarité, la compassion et la sociabilité. Que sa mort atroce se soit déroulée en milieu universitaire, au cœur de milliers de jeunes qui n’ont pas pu voir venir, ajoute une dose dramatique au sujet.
À force de courir, tête baissée derrière des partisaneries, des coteries abjectes pour jouir de prébendes de tous genres, on passe et repasse devant des formes de délabrement humain sans lever la tête. Les multiples et différentes détresses humaines qui progressent sans cesse dans notre société dite de communautés et de religiosité constituent autant d’alertes ignorées. Elles pourraient, si la sensibilité aux malheurs de son prochain ne s’était pas effilochée, être des moments d’arrêts pour négocier les formes d’introspection nécessaires à l’équilibre de notre destin commun. Au lieu de cela, on érige la critique, le jugement faciles et les condamnations définitives qui vont avec en formes de replis pour cacher des insuffisances coupables.
La mort tragique de ce garçon dans une cité universitaire, dans un environnement où toutes les questions sont censées être discutables et discutées à l’aune de la rationalité et de l’humain interpelle le Sénégal.
Cette lettre est comme un SERMON qui pourrait être lue dans toutes les mosquées et lieux de croyance, dans tous les établissements d’enseignement et dans tous les services de notre pays.
Mais de grâce, qu’elle ne soit surtout pas l’occasion de débats informes, entretenus par des pseudos communicants plus soucieux de starisation que de démarches de compréhension et donc de solutions à nos problèmes de société inscrite depuis quelques années dans un processus de désincarnation avancée.
En souhaitant à cette intelligente innocence qui a préféré mourir digne que de vivre dans l’indifférence ambiante, de trouver auprès des anges, au ciel, le réconfort que méritent son geste et ses conséquences, nous pleurons, intérieurement et sourdement sa disparition avec ses parents et ses amis.
REPOSE EN PAIX MATAR !