Le PS, un parti mourant à la recherche d’une nouvelle crédibilité politique !

Plus de 24 ans après la perte du pouvoir, le Parti socialiste (Ps) veut renaître de ses cendres. Cette formation politique, qui a, à un moment donné, fait allégeance au libéral Macky Sall, est fortement affaiblie par des dissensions internes. Une situation qui, combinée avec la nouvelle configuration politique, risque de rendre quasi impossible sa mission de reconquête du pouvoir.

Retour au bercail ! La patronne du Parti socialiste, Aminata Mbengue Ndiaye, a accordé une audience à Khalifa Sall, Barthélemy Dias et Jean-Baptiste Diouf, entre autres anciens éminents membres, dans la perspective de leur retour au sein de la formation socialiste. C’est en substance ce qu’on peut retenir de la dernière réunion du Secrétariat exécutif national du PS, qui s’est tenue, la semaine passée, jusqu’à tard dans la nuit, autour d’échanges portant sur l’évaluation de l’élection présidentielle du 24 mars. Une opération « gnibissi » dont le principal objectif visé, c’est de signer la reconquête du pouvoir, 24 ans après, pour ce vieux parti dont la faillite était déjà annoncée.

2000, début de la déliquescence

Au Parti socialiste, les ennuis ont débuté en 2000, après la chute du pouvoir. Pourtant, ledit parti, première formation politique à exercer le pouvoir après avoir conduit le Sénégal à l’indépendance sous le sigle du Bds (Bloc démocratique sénégalais), puis de l’Ups (Union progressiste sénégalaise), a battu le record de longévité au pouvoir pour l’avoir exercé de 1960 à 2000. Pendant 40 longues années, ce parti a donné au pays deux chefs d’Etat, à savoir Léopold Sédar Senghor, père de l’indépendance du Sénégal, et son poulain Abdou Diouf. Après avoir été défaits par le leader du Parti démocratique sénégalais (Pds), Me Abdoulaye Wade, les socialistes ont été contraints à une longue cure d’opposition. Il faut, en effet, rappeler que durant 12 années du règne de Wade, les Socialistes ont traversé le désert et mangé leur pain noir. Le président Diouf, qui a passé le témoin à Ousmane Tanor Dieng pour être le nouveau secrétaire général du parti, avait senti en lui la capacité de pouvoir poursuivre le combat afin que long travail abattu par de grands intellectuels, des générations d’hommes et de femmes aguerris en politique ne soit pas vain. Une mission, que celui qui fut un administrateur chevronné et un grand homme d’État, a réussie à la perfection grâce au soutien indéfectible de grands militants qui ont le socialisme dans le sang.

La perte du pouvoir et de ses privilèges a entraîné une saignée sans précédent dans les rangs de ce plus vieux parti de notre pays. Cela a permis aux « verts », sous la houlette de feu Ousmane Tanor Dieng, de restructurer leur parti, de réunir régulièrement leurs instances statutaires, d’aller en congrès pour renouveler leur direction. Et, surtout, de jouer leur rôle d’opposants « républicains » c’est-à-dire qui inscrivent toutes leurs activités dans le cadre de la loi. Toutefois, cette volonté de résister à la puissance du nouveau parti au pouvoir n’a pas permis à la formation politique de Léopold Sedar Senghor de tenir tête au Pds qui a réussi à obtenir une majorité écrasante à l’Assemblée nationale et aussi à récupérer des mairies longtemps contrôlées par le PS. Ceci, à part quelques-unes, dont Dakar, Thiès, Ziguinchor et Saint-Louis.

Cependant, il est à souligner que malgré la réorganisation et la remise en ordre de bataille, à l’élection présidentielle de 2007, le candidat du PS, Ousmane Tanor Dieng, a obtenu un maigre score qui l’a placé troisième après le président sortant, Abdoulaye Wade, et Idrissa Seck de Rewmi. Aux élections municipales de 2009, Khalifa Sall et Aïssata Tall Sall, sous la bannière de Benno Sigil Sénégal, sauvent leur parti d’un second revers, mais ne réussissent pas à remettre les clés du Palais à leur candidat Ousmane Tanor Dieng à l’élection présidentielle de 2012. Lequel, n’ayant pas pu s’entendre avec l’autre candidat socialiste, c’est-à-dire Moustapha Niasse, le leader de l’Afp (Alliance des Forces de Progrès, issu d’une scission du Ps), est allé à la compétition sous la bannière de Benno ak Tanor. A l’arrivée, il s’est classé quatrième. Cette élection, qui a consacré l’arrivée de Macky Sall au pouvoir, ouvre une nouvelle ère pour le Sénégal qui réussit une seconde alternance historique. Le nouveau chef de l’État, soutenu au second tour par une grande coalition dont faisait partie le PS, lance le slogan «gagner ensemble, gouverner ensemble».

Les événements douloureux du 5 mars 2016

Dans l’opposition de 2000 à 2012 et aujourd’hui subordonné au bon vouloir du chef de l’État, le PS commence à respirer ne serait-ce que sur le plan financier, mais il n’a plus remporté une élection, seul, depuis plus de vingt ans et voit ses scores électoraux fondre comme neige au soleil. Une longue période de disette qui s’est étendue jusqu’en 2024, si l’on sait qu’en 2019, Macky Sall devait être réélu.

En échange de ce soutien indéfectible au président, les contreparties paraissent pour certains bien maigres. Sur les 39 ministères que compte le gouvernement, le PS n’en contrôle que deux?: l’Éducation nationale, département dirigé alors par Serigne Mbaye Thiam, et l’Élevage, confié à Aminata Mbengue Ndiaye. Et il ne peut revendiquer plus de 15 des 125 députés que totalise la majorité présidentielle. Ce que dénonce une aile « dure » composée de Khalifa Sall, Me Aïssata Tall Sall, Barthélémy Dias, Bamba Fall, entre autres. Lesquels n’entendent pas « diluer la pilule du Ps dans le verre de l’Apr ». Pour eux, ces quelques postes ne suffisent pas à justifier l’affiliation à Benno. Encore moins à « brader l’indépendance » du parti vert. « La stratégie d’alliance avec Macky Sall n’est pas bonne. Nous sommes l’un des plus grands partis du pays, et notre vocation a toujours été d’exercer le pouvoir. Or, cette alliance ne nous le permet pas. Si nous continuons ainsi, nous risquons de disparaître », confiait à Jeune Afrique, Babacar Thioye Ba, le directeur de cabinet adjoint de Khalifa Sall.

« Il ne faut pas chercher loin les raisons de la crise qui mine notre parti?: il y a une dérive autoritaire de la part de Tanor, qui empêche tout débat ou toute critique interne », s’insurgeait Aïssata Tall Sall, écartée de l’élection au poste de secrétaire général du PS en 2014. C’est le début de la rébellion.

5 mars 2016 ! Une date qui sera à jamais gravée dans l’histoire de la Maison du parti. Ce jour-là, des centaines de partisans de Khalifa Sall inondent le siège du Ps et habillés en t-shirts sur lesquels il est inscrit : « Je suis socialiste, je vote Non.» Copieusement hué dès son arrivée à la réunion de ce Bureau politique qui devait entériner le «Oui» au référendum, Ousmane Tanor Dieng est humilié. Il a failli y laisser sa vie face à des militants qui voulaient lui faire la peau. Une bataille rangée éclate ! Des blessures sont enregistrées parmi les proches de Tanor qui est exfiltré dans les… toilettes. La salle Lamine Guèye, siège du Bureau politique, est saccagée au cours de cette chaude journée. « Les responsabilités seront situées et les responsables seront punis», avertira OTD.

Désormais, le linge sale des Socialistes va se laver en justice. Sur instruction du Bureau politique qui va se tenir finalement le lendemain, Dieng dépose une plainte. Le 9 janvier 2017, Bamba Fall, maire de la Médina, Bira Kane Ndiaye, directeur de Cabinet du maire de Dakar, Bassirou Samb, chef de cabinet du maire de Grand-Yoff, et près d’une dizaine de responsables proches de Khalifa Sall sont placés sous mandat de dépôt pour « tentative d’assassinat, violence et voies de fait, destruction de biens appartenant à autrui, injures publiques et menaces de mort ».

La main très visible de Macky Sall

Face à des critiques acerbes dont il fait l’objet, Tanor parle de procès en sorcellerie et assure ne faire que suivre les choix exprimés démocratiquement par les militants. « Ils peuvent dire ou penser ce qu’ils veulent, avait martelé le secrétaire général. Moi, j’applique les positions exprimées par nos coordinations, qui se sont toujours largement prononcées en faveur de notre présence dans la coalition présidentielle».

Et Macky Sall, qui se projetait déjà vers un second mandat, se livre à son premier test électoral pour mesurer son poids. Un test qui a mal tourné puisque les élections législatives de 2014 ne lui ont pas permis de récupérer de grandes collectivités comme Podor, Ziguinchor, Thiès, Mbacké, mais surtout Dakar où Khalifa Sall a presque tout raflé sous la bannière de Taxawu Dakar. Ces résultats constituent une alerte pour le pouvoir en place dans un contexte où le puissant maire de la capitale commence à afficher ses ambitions présidentielles.

Du côté des pro-Tanor, l’on rappelle que lors des dernières grandes échéances électorales, comme le référendum constitutionnel de 2016 ou les législatives de 2017, la majorité des coordinations ont approuvé l’appartenance à BBY.

A noter que décidé à se faire réélire en 2019, Macky Sall avait alors décidé, sans état d’âme, d’actionner la justice pour éliminer «froidement» le potentiel adversaire qu’est Khalifa Sall qui, auparavant, avait été exclu du Ps avec ses partisans. Le fait marquant de cette élection présidentielle de février 2019 est la non-participation de l’ancien parti au pouvoir le Ps qui a finalement renoncé à se présenter pour soutenir le candidat de l’Apr. Ce scénario inédit a beaucoup affaibli le parti de Senghor qui, depuis lors, a perdu de sa crédibilité. C’était le début de sa mort annoncée par le fait d’intérêts personnels d’hommes et de femmes qui venaient ainsi de sacrifier un long combat politique incarné par de grandes figures de l’histoire politique du Sénégal à l’autel d’intérêts matériels, financiers et pour des honneurs. Et c’est toujours à la remorque de l’Apr que le Ps a participé à l’élection présidentielle de mars dernier qui a vu une troisième alternance se produire dans notre pays.

La majorité des électeurs a fait confiance à du sang neuf (plus de 54% pour Bassirou Diomaye Faye) afin d’apporter une rupture radicale par rapport à l’ancienne façon de faire la politique, mais aussi de gouverner le pays. Les résultats des urnes prouvent que le peuple sénégalais, notamment les jeunes, est dans une dynamique d’en finir avec les partis classiques au profit d’une nouvelle offre politique.

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