C’est le dernier épisode de ce soap opéra cynique qui met en haleine les Nations unies tous les six mois, et où tout le monde se demande encore si Moscou osera opposer son veto au renouvellement du passage de l’aide humanitaire transfrontalière via le point de Bab Al-Hawa.
Face à l’opposition de la Russie, qui insistait pour seulement six mois, la Suisse et le Brésil, proposaient un renouvellement du point de passage de neuf mois. Une concession faite pour adoucir Moscou, puisque les services humanitaires de l’ONU réclamaient à cor et à cri de le prolonger de douze mois alors que les besoins sont encore plus importants depuis les séismes de février dernier, précise notre correspondante à New York, Carrie Nooten. Compromis auquel la Russie, un allié clé de Damas, a opposé mardi 11 juillet son veto, empêchant son adoption malgré 13 voix en faveur, et une abstention de la Chine. Moscou a présenté son propre projet de renouvellement de six mois qui a été retoqué, car il évoquait un début de levée de sanctions contre Damas.
En coulisses, des diplomates confiaient que même le régime de Bachar el-Assad n’était pas opposé à la résolution et surtout, cela aurait permis de ne pas avoir à rejouer cette négociation en plein hiver, lorsque la situation des réfugiés syriens est encore plus précaire. Mais, cela n’a pas empêché pour autant la Russie de brandir son veto, obligeant l’interruption du passage de l’aide, et la reprise des tractations diplomatiques.
Le patron de l’ONU, Antonio Guterres, s’est dit déçu de l’échec du Conseil de sécurité, un sentiment partagé par les quatorze autres membres du Conseil. Il a appelé les membres du Conseil « à redoubler d’efforts » pour permettre de poursuivre l’aide transfrontalière.
85% des besoins acheminés par ce passage humanitaire
Le mécanisme créé en 2014 permet à l’ONU d’acheminer de l’aide humanitaire aux populations des zones rebelles du nord-ouest de la Syrie, sans autorisation du gouvernement syrien, qui dénonce régulièrement une violation de sa souveraineté. Au départ, il prévoyait quatre points de passage, mais après des années de pression, en particulier de Moscou, allié du régime syrien, seul le poste de Bab al-Hawa était resté opérationnel, et son autorisation avait été réduite à six mois renouvelables.
« L’aide humanitaire devrait être basée sur les besoins, pas la politique », a fustigé mardi Floriane Borel, de l’organisation Human Rights Watch, dénonçant le « veto cynique » de la Russie. L’ONU « devrait explorer immédiatement des moyens alternatifs pour s’assurer que les Syriens reçoivent suffisamment de nourriture, de médicaments et autres aides dont ils ont désespérément besoin sans avoir à supplier la Russie ou le président syrien pour un accès », a-t-elle ajouté.
Malgré l’expiration du mécanisme de l’ONU, deux autres points de passage sont en effet opérationnels, autorisés directement par le président syrien Bachar el-Assad après les séismes de février. Mais, ces deux points de passage « ne pourront pas compenser » Bab al-Hawa, a insisté mardi Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU. « 85% de nos besoins passaient par la porte qui a été fermée aujourd’hui ».
Selon l’ONU, quatre millions de personnes dans le nord-ouest de la Syrie, la plupart des femmes et des enfants, ont besoin d’aide humanitaire pour survivre après des années de conflit, de chocs économiques, d’épidémies et de pauvreté grandissante aggravée par des séismes dévastateurs.