Julia Sarr, musicienne : « Chaque culture a un trésor d’émotions à offrir au monde »

Julia Sarr s’est faite un nom sur la scène musicale à l’étranger. Elle a posé sa voix sur les compositions de grosses pointures de la musique africaine et européenne. Parmi ces dernières, figurent Jean-Jacques Goldman, Michel Fugain, MC Solaar, Julio Iglesias, Youssou N’dour, Richard Bona, Salif Keïta, Oumou Sangaré, Mano Solo, Alpha Blondy… 
 
Cette sénégalaise, décortique, dans cet entretien, la teneur des textes des chansons du nouvel album ‘’ Njaboot’’. Au passage, elle a dénoncé avec vigueur les violences faites aux femmes avant de s’alarmer de la tension politique que traverse le pays de la Teranga. 
 
Qui est Julia Sarr ? 
 
Je tiens tout d’abord à vous remercier pour l’intérêt que vous portez sur moi et l’entretien que vous m’accordez. Je suis Julia Sarr, artiste interprète, auteure et compositrice. J’ai beaucoup chanté comme choriste dans différents projets de musique africaine, de variété, de jazz, soul et gospel. J’ai aussi eu à produire en solo mes albums. J’ai chanté en wolof. 
 
Combien d’albums avez-vous produit à l’international ? 
 
J’ai sorti 3 albums. Dans ma vie, je sais toujours prendre mon temps. En 2005, il y a eu ‘’ Setluna’’ chez No Format, en 2014 ‘’ Daraludul Yow’’, en 2023 , nous avons ‘’ Njaboot’’. 
 
Justement vous venez de sortir ‘’ Njaboot’’. Quels sont les messages forts de cette nouvelle production ? 
 
‘’Njaboo’’ est sorti le 3 février en physique et sur toutes les plateformes. Cet album est un carnet intime. Les thèmes sont assez personnels mais ils restent universels.  L’amour pour honorer la personne qui choisit de vivre sa vie avec vous « Nobel Bi », la foi qui déplace les montagnes « Wollu Yalla », l’immigration et le fait de s’accrocher à ses racines « Doynawar », l’enfance sans père, sans repère « Njaboot ».
 
J’ai aussi abordé la question de la prise en charge des parents âgés avec la distance géographique. On y retrouve le mariage arrangé et les castes « Yéné ».
 
A côté de cela, nous avons le titre « Habib » hommage à Habib Faye.  Le grand Youssou N’Dour dira quelques mots à la fin du morceau.  Il y a aussi la réconciliation : duo en featuring avec mon frère et ami Alune Wade. Un chant qui décrit quelqu’un dans le coma, la vie qui s’échappe du corps, d’un chemin de solitude de paysages oniriques « Nelaw ».
 
Le pouvoir des mots et le choix de la réconciliation après la médisance sur les réseaux sociaux « Laamin ». Alors que dans le titre ‘’ Jaya’’, le miracle et l’émerveillement sont traités suite à la naissance d’un enfant. 
 
A quand remonte votre carrière musicale ? 
 
J’ai commencé à chanter dès l’âge de 13 ans. Je suis devenue professionnelle à l’âge de 20 ans. La musique est avant tout un don de Dieu, un appel et une vocation.
 
La culture wolof est très présente dans vos œuvres… 
 
Je suis Sarr. Mon père était toucouleur de Saint-Louis et ma mère Sow, Peulh de Gambie. J’ai grandi dans un milieu wolof à Dakar. J’ai appris beaucoup de choses à travers la culture de mon pays le Sénégal.
 
Quelles sont vos influences musicales ?
 
Mes influences sont enracinées dans ma culture Wolof. J’aime beaucoup le ‘’Mbalax’’. Mais je suis enfant de la sono mondiale. J’écoute toutes sortes de musiques :  de Yandé Codou Sène au jazz vocal ou instrumental, de Youssou Ndour, au chant classique, du Flamenco au Makossa. De la soul, de la Bossa Nova, du Gospel de Kim Burrel, aux chants traditionnels indiens. Chaque culture a un trésor d’émotions à offrir au monde
 
Pourquoi avez-vous décidé de vous produire à l’étranger ?
 
Ce n’est pas une décision mais plutôt un concours de circonstances. Je vis à l’étranger depuis plusieurs années, et je travaille là où je vis essentiellement. Cela dit, la musique traverse toutes les frontières. 
 
Vous êtes en tournée en Europe. Avez-vous des dates prévues au Sénégal ?
 
Je tourne dans le monde entier. Mais je ne dois pas avoir les bonnes connexions au Sénégal. C’est étrange. Il y a des années, j’ai eu à jouer avec mon premier trio une semaine au Pen’art et ensuite au Just For You. Après j’ai eu l’honneur de jouer au Saint Louis Jazz en 2018. Je vous avouerai que j’aimerais vraiment venir plus souvent. 
 
Quel est votre point de vue sur les violences faites aux femmes ?
 
D’abord toute violence est inadmissible. La violence physique ou psychologique faite aux femmes est scandaleuse. C’est un problème sociétal grave. Beaucoup de femmes se soumettent, se taisent. Elles n’ont pas d’autres choix malgré la libération de la parole de nos jours
 
La situation politique de votre pays le Sénégal est très tendue entre pouvoir et opposition Qu’avez-vous à dire sur cette situation ?
 
Je suis à l’étranger. Mais je suis sincèrement préoccupée par la situation actuelle. On vit un temps de crise politique sans précédent. Je pense qu’il faut être à l’écoute du peuple sénégalais de sa jeunesse et de la colère qui grandit.
 
Face aux arrestations de journalistes, le 3ème mandat du Président Macky Sall n’est pas forcément souhaité. Il faut veiller à ce que la liberté d’expression soit préservée.
 
Le Sénégal est un grand pays, magnifique. Il a toujours été exemplaire en matière de démocratie, de paix et d’hospitalité. Il ne faudrait pas tout gâcher. 
 
Avez-vous de nouveaux projets artistiques ? 
 
Je travaille sur un nouvel album avec la participation de Fred Soul au piano et Stéphane Edouard aux percussions, deux musiciens exceptionnels et artistes avec qui je forme un trio. J’ai aussi un roman à éditer et paraître « Njaboot , les anniversaires silencieux » puisque parallèlement à l’album j’ai écrit un carnet de diaspora, une autofiction en correspondance avec les chansons : « un roman qui s’écoute et un album qui se lit ». Chaque chapitre du livre a son écho en musique, les thèmes se déclinent de l’oralité du chant à la littérature des mots.

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