Guinée: au moins deux morts lors d’une journée de contestation anti-junte

Deux jeunes Guinéens de 17 et 19 ans ont été tués par balle mercredi lors d’une journée de contestation qui a donné lieu à des affrontements et des manifestations sporadiques contre la junte au pouvoir depuis un an, a-t-on appris auprès de proches et du collectif organisateur.

Le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), qui avait appelé à manifester, a accusé sur les réseaux sociaux la garde du chef de la junte et président dit de transition, le colonel Mamady Doumbouya, d’avoir abattu les deux jeunes hommes alors que son convoi traversait la banlieue de la capitale Conakry, haut lieu de contestation.

Interrogé au moment où le premier décès était rapporté dans l’après-midi, le porte-parole de la police, le colonel Mory Kaba, a dit ne pas en avoir connaissance alors qu’il était sur les lieux quand le chef de la junte est passé.

Ibrahima Baldé a été tué par un projectile tiré par un membre des forces de sécurité à Wanidara, un quartier de la banlieue de Conakry théâtre de heurts, a dit à un correspondant de l’AFP son père Mohamed Chérif. Un proche du jeune homme s’exprimant sous le couvert de l’anonymat en raison de la sensibilité de l’information a déclaré qu’il avait été atteint par la balle d’un soldat alors que le cortège du chef de la junte traversait le quartier.

Oumar Barry, lycéen de 17 ans, a succombé plus tard non loin de là dans le quartier de Koloma. « Ils lui ont tiré dans le ventre à Koloma, il était 18H50 » (locales et GMT), a dit un voisin, Pathé Diallo.

La Guinée est coutumière de telles violences, dont les circonstances demeurent souvent obscures. Les défenseurs des droits dénoncent de longue date les excès des forces de sécurité et l’impunité dont elles bénéficient.

Le FNDC, coalition de partis, syndicats et organisations de la société civile, avait appelé à se mobiliser pacifiquement malgré l’interdiction de toute manifestation édictée le 13 mai par la junte et la décision de cette dernière de dissoudre le collectif la semaine passée.

Des affrontements sporadiques ont été rapportés dans la banlieue de Conakry. Des dizaines de jeunes ont affronté à coups de pierres les policiers et les gendarmes sur la Route Le Prince, axe traversant la banlieue et théâtre fréquent de telles confrontations. Les forces de sécurité ont riposté avec des gaz lacrymogènes.

Les autorités ont déployé gendarmes et policiers en nombre. Différents quartiers de la banlieue, habituellement grouillants, donnaient l’apparence d’une ville morte. De nombreux commerces et les grands marchés sont restés fermés dans la crainte de violences.

Des manifestations ont été signalées en province, mais l’appel du FNDC ne semble pas avoir été suivi massivement.

Le FNDC a orchestré de 2019 à 2021 des mois de mobilisation contre un troisième mandat présidentiel d’Alpha Condé (2010-2020), finalement renversé le 5 septembre 2021 par le colonel Doumbouya. Le FNDC porte à présent la voix de la protestation contre la junte, l’opposition étant considérablement affaiblie.

Le FNDC réclame le retour à l’ordre constitutionnel et dénonce une confiscation du pouvoir par les militaires. Le FNDC avait été à l’initiative de deux jours de manifestations les 28 et 29 juillet, interdites par les autorités et dans lesquelles cinq personnes avaient été tuées.

Ces nouvelles crispations surviennent alors que l’organisation des Etats ouest-africains Cédéao a annoncé la visite dimanche à Conakry de son médiateur dans la crise guinéenne, l’ex-président béninois Thomas Boni Yayi.

Le colonel Mamady Doumbouya, intronisé président, s’est engagé à remettre le pouvoir à des civils élus dans un délai de trois ans. Mais l’opposition et la Cédéao veulent une transition plus courte. Les partis politiques et la société civile font de plus en plus entendre leur voix contre la répression des libertés et l’instrumentalisation de la justice par les autorités.

Afp

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