La Grèce poursuit jeudi ses recherches d’éventuels survivants au lendemain du chavirement d’un bateau surchargé de migrants, un naufrage meurtrier qui pourrait avoir fait des « centaines » de morts.
Soixante-dix-huit corps ont jusqu’ici été retrouvés en mer au large des côtes de la péninsule du Péloponnèse, selon les gardes-côtes.
Mais l’Organisation internationale pour les migrations (OIM) a dit « redouter que des centaines de personnes supplémentaires » se soient noyées « dans l’une des tragédies les plus dévastatrices en Méditerranée en une décennie ».
Le porte-parole du gouvernement grec, Ilias Siakantaris, avait assuré mercredi que des informations non confirmées faisaient état de 750 personnes à bord du chalutier.
Deux patrouilleurs, une frégate de la marine, trois hélicoptères et neuf autres navires continuaient à inspecter les eaux à l’ouest des côtes du Péloponnèse, l’une des zones les plus profondes de la Méditerranée.
La cour suprême grecque a par ailleurs ordonné une enquête pour déterminer les causes du drame qui a choqué la Grèce, accusée depuis des années de refouler des migrants en quête d’asile dans l’UE.
Un deuil national de trois jours a été décrété, interrompant ainsi la campagne électorale en vue du scrutin législatif du 25 juin.
Mais certains journaux ne cachaient pas leur colère face à ce nouveau drame touchant des migrants. Le quotidien de centre gauche Efsyn affichait ainsi en Une et en six langues ce simple mot: « Honte! ».
A Athènes et Thessalonique, la deuxième ville de Grèce, quelque 5.000 personnes sont descendues dans les rues, selon la police, arborant des slogans tels que « Le gouvernement et l’Union européenne tuent » et « Non à la forteresse Europe. Solidarité avec les réfugiés ».
Le pape François, très sensible à la thématique migratoire, s’est quant à lui dit « profondément consterné » par ce naufrage.
Neuf personnes de nationalité égyptienne, soupçonnées d’être des passeurs, ont été arrêtées à Kalamata (sud-ouest) où ont été acheminés les rescapés, a indiqué une source portuaire à l’AFP. Parmi elles figure le capitaine du navire.
« En état de choc »
Dans le port de Kalamata, « c’est vraiment horrible », a dit à l’AFP Erasmia Roumana, une employée du HCR. Les rescapés sont « dans une très mauvaise situation psychologique (…) Beaucoup sont en état de choc, ils sont accablés ».
Cent quatre personnes ont pu être secourues et devraient être prochainement transférées dans un centre d’accueil pour migrants de Malakasa, au nord-est d’Athènes.
Les rescapés « sont tous des hommes », a déclaré la porte-parole des garde-côtes, faisant craindre que des femmes et des enfants, qui embarquent généralement aussi sur ces embarcations, ne figurent parmi les disparus.
Ces rescapés sont en majorité des Syriens (47), des Egyptiens (43), ainsi que 12 Pakistanais et deux Palestiniens, selon les autorités grecques.
Un survivant a également indiqué à des médecins de l’hôpital de Kalamata qu’il avait vu une centaine d’enfants dans la cale du bateau, selon la chaîne de télélvision publique ERT.
Plus de 20 personnes restent hospitalisés à Kalamata, selon cette même source.
Une image diffusée par les gardes-côtes montrait un chalutier bleu, de 25 à 30 m de long, et manifestement en mauvais état surchargé de personnes, rassemblées sur le pont de la proue à la poupe et même sur le toit de la passerelle.
Selon les autorités portuaires grecques, un avion de surveillance de l’agence européenne Frontex avait repéré le bateau mardi après-midi mais les secours ne sont pas intervenus car les passagers ont « refusé toute aide ».
Frontex n’a pas fourni de commentaire. Mais son patron Hans Leijtens s’est rendu à Kalamata pour établir « le rôle » de l’Agence de surveillance des frontières européennes dans ce naufrage « horrible ».
Le Néerlandais a souligné qu’il cherchait à « mieux comprendre ce qui s’est passé car Frontex a joué un rôle » dans ce nouveau drame en Méditerranée.
Partis de Libye
« On ne demande pas aux personnes à bord d’un bateau à la dérive s’ils veulent de l’aide (…), il aurait fallu une aide immédiate », a affirmé à ERT Nikos Spanos, expert international des incidents maritimes.
« La question ne se pose pas de savoir si le bateau refuse de l’aide (…) Un bateau surchargé est un bateau en détresse, il n’y a pas de question de son état ou de sa capacité à continuer sa route ou pas », a renchéri Jérôme Tubiana, de Médecins sans frontières (MSF) sur la radio publique française France Culture.
Selon les autorités grecques, les migrants étaient partis de Tobrouk, une ville portuaire de l’est de la Libye, et se dirigeaient vers l’Italie.
Le bateau a chaviré à 47 milles nautiques (87 km) de Pylos, en mer Ionienne, a précisé M. Siakantaris, coulant en 10 à 15 minutes.
Selon plusieurs responsables, les rescapés ne disposaient pas de gilets de sauvetage.
Les survivants sont temporairement hébergés dans un entrepôt du port de Kalamata.