Le projet du groupe pharmaceutique français Sanofi de céder au fonds d’investissement américain CD&R le contrôle de sa filiale qui commercialise le médicament le plus vendu en France, continue de faire polémique, malgré l’annonce d’une participation (très minoritaire) de l’Etat au capital.
« Sanofi et CD&R sont entrés en négociations exclusives pour la cession et l’acquisition potentielles d’une participation de contrôle de 50% dans Opella », qui commerciale cet antalgique, le Doliprane, a confirmé lundi dans un communiqué le groupe français qui précise que l’offre de CD&R est « ferme et entièrement financée ».
La valorisation d’Opella est basée sur une valeur d’entreprise d’environ 16 milliards d’euros, a ajouté Sanofi.
La banque publique d’investissement Bpifrance va participer au capital de cette entreprise à hauteur « de 1 à 2% », pour « assurer l’ancrage français d’actifs stratégiques », a déclaré le directeur général de BpiFrance, Nicolas Dufourcq lors d’une conférence de presse aux côtés des ministres de l’Industrie Marc Ferracci et de l’Economie Antoine Armand.
Et « quand Bpifrance est présent au conseil d’administration de l’entreprise, nous sommes vocaux, actifs, parfois activistes, si nécessaire, si la gouvernance dérape », a-t-il promis.
Sanofi devrait lui rester actionnaire à hauteur d’environ 48% pour l’instant.
Le groupe français s’est toutefois montré évasif sur la durée de son implication dans Opella, qui représente 1.700 emplois en France, indiquant seulement ne pas avoir « fixé de délai » mais « nous nous attendons absolument à être impliqués et en partenariat pour longtemps ».
L’accord tripartite entre l’Etat, Sanofi et CD&R, annoncé dimanche soir par le gouvernement, prévoit des sanctions financières, « pouvant s’élever jusqu’à 40 millions d’euros » en cas d’arrêt de la production sur les deux sites français d’Opella et de « 100.000 euros par emploi supprimé par licenciement économique contraint ».
Une pénalité pouvant atteindre 100 millions d’euros est prévue en cas du non respect du « maintien de l’approvisionnement d’Opella auprès de fournisseurs et sous-traitants français ».
L’accord garantit « le maintien des volumes minimaux de production en France pour les produits sensibles d’Opella », comme le Doliprane, ont précisé les ministres Antoine Armand et Marc Ferracci.
Un objectif d’investissement en France, fixé à 70 millions d’euros sur cinq années en cumulé, fait également partie des engagements.
La finalisation de la transaction est prévue au plus tôt pour le deuxième trimestre 2025.
Selon le communiqué de Sanofi, CD&R ambitionne « d’accélérer » la croissance d’Opella, qui détient 115 marques dans le monde et compte 11.000 collaborateurs dans environ 100 pays, et de « créer un champion français mondial de la santé grand public ».
Le projet n’en a pas moins continué de susciter de vives réactions lundi, dans un contexte de pénuries récurrentes de médicaments dans le pays.
« Il faut bloquer la vente » d’Opella à CD&R, a réclamé sur la chaîne TF1 le député La France insoumise (LFI, gauche radicale) Manuel Bompard.
« C’est pas avec 1% de participation dans le capital que l’Etat aura quelque mot à dire sur les décisions stratégiques qui seront prises par le groupe ».
Pour bloquer la vente il a évoqué un décret (acte réglementaire ou individuel pris par l’exécutif) dit Montebourg, du nom d’un ancien ministre, qui permet de refuser que des secteurs stratégiques passent sous pavillon étranger.
« Comme les syndicats, on craint que ça soit accompagné d’un plan social énorme. Ce fonds américain, c’est un spécialiste des plans sociaux. Je rappelle qu’il a repris (les magasins d’ameublement NDLR) But, Conforama et qu’il y a eu des milliers d’emplois supprimés », a renchéri la député LFI Clémence Guetté sur la radio France Inter.
Pour le député (Horizons, droite) Frédéric Valletoux, en revanche, « le plus important c’est de se concentrer sur la production en France du principe actif » du Doliprane, le paracétamol.