L’enquête sur la rétractation en 2020 de l’intermédiaire Ziad Takieddine, qui accuse Nicolas Sarkozy d’avoir financé sa campagne présidentielle 2007 avec des fonds libyens, pourrait provoquer une nouvelle mise en cause emblématique, avec l’audition jeudi de Carla Bruni-Sarkozy comme suspecte.
L’épouse de l’ex-chef de l’Etat avait déjà été entendue comme témoin en juin 2023 dans cette information judiciaire.
Mais une source proche du dossier, confirmée par une source judiciaire, a indiqué à l’AFP que la chanteuse et mannequin était jeudi interrogée en audition libre de mise en cause par les enquêteurs de l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF) à Nanterre.
L’ancien chef de l’Etat, qui conteste les faits, a été mis en examen dans ce dossier début octobre, pour recel de subornation de témoin et association de malfaiteurs en vue de la préparation d’escroqueries au jugement en bande organisée.
D’après des éléments de l’enquête, Carla Bruni-Sarkozy avait d’abord été entendue comme témoin simple, notamment du fait du témoignage de la papesse des paparrazis « Mimi » Marchand (de son vrai nom Michèle Marchand), également mise en cause dans le dossier.
Cette dernière avait argué de rencontres avec son amie pour justifier de déplacements au domicile du chef de l’Etat à des moments-clés de l’opération.
Mais selon une source proche du dossier, le juge d’instruction s’est depuis interrogé sur divers éléments à charge.
Tout d’abord, une « volonté de dissimulation » de Carla Bruni qui a « effacé l’intégralité des messages qu’elle a échangés avec Mimi Marchand » le jour de la mise en examen de cette dernière, le 5 juin 2021.
Ensuite, Carla Bruni est soupçonnée d’avoir aidé Michèle Marchand et le paparazzo Sébastien Valiela à obtenir un test PCR mi-octobre 2020 leur permettant de partir au Liban faire l’interview qui donnera lieu à la rétractation de M. Takieddine.
Questionné sur ces éléments lors de sa mise en examen début octobre, Nicolas Sarkozy, avait répondu: « A ce moment-là, elle a besoin de passer un test PCR comme des millions de Français à cette époque. Ma femme aide Michèle Marchand comme elle rend service à son amie pour qu’elle parte en voyage ».
« On est harcelés de demandes d’autres personnes pour les aider à faire des tests PCR. Ma femme n’y est pour rien », avait ajouté l’ex-chef de l’Etat.
Sur les messages supprimés par son épouse sur son téléphone, il avait souligné avoir lui gardé les siens, ajoutant: « Si c’était une volonté stratégique ou de dissimuler, on pourrait se demander pourquoi elle et pas moi ? »
Des auditions ont été réalisées ces derniers mois dans l’entourage de Carla Bruni, a indiqué à l’AFP une autre source proche du dossier.
– « Pas un centime » –
Ce volet « rétractation » est incident à l’enquête principale sur les soupçons de financement libyen de la campagne présidentielle de 2007, qui sera jugé début 2025.
L’affaire dans l’affaire a explosé en novembre 2020 lorsque Ziad Takieddine, principal témoin à charge contre Nicolas Sarkozy depuis 2012, avait opéré une spectaculaire volte-face sur BFMTV et Paris Match en déclarant que l’ex-chef de l’Etat n’avait « pas touché un centime, cash ou pas cash, pour l’élection présidentielle » 2007 de la part du défunt dictateur libyen Mouammar Kadhafi.
En fuite au Liban, pour échapper à sa condamnation dans l’affaire Karachi, M. Takieddine était revenu sur ses propos deux mois plus tard devant les magistrats instructeurs.
Le PNF a ouvert en mai 2021 une information judiciaire sur ces faits, avant une première vague d’interpellations le mois suivant.
Dans ce dossier, ce sont désormais onze protagonistes – en comptant Mme Bruni-Sarkozy – qui sont soupçonnés d’avoir oeuvré, à des moments et degrés divers, dans cette opération qui aurait principalement visé à tromper la justice française.
Parmi les mis en cause, outre M. Sarkozy et Mimi Marchand, l’intermédiaire Noël Dubus, déjà condamné pour escroquerie, le puissant chef d’entreprise David Layani, etc.
Les poursuites contre le financier Pierre Reynaud, décédé en mai 2023, sont éteintes.
Nicolas Sarkozy, président de 2007 à 2012, a été condamné en appel à de la prison ferme, en février dans l’affaire « Bygmalion » sur les dépenses excessives de sa campagne présidentielle perdue de 2012, en mai 2023 pour corruption et trafic d’influence dans l’affaire dite « des écoutes » (ou affaire Bismuth).
Il s’est pourvu en cassation dans ces deux dossiers.