Gouvernement français et syndicats campaient sur leurs positions mardi pour la dixième journée de manifestations contre une réforme des retraites très impopulaire, dans un climat électrisé par les violences croissantes.
L’opposition à cette réforme emblématique du second quinquennat d’Emmanuel Macron, qui retarde l’âge de départ de 62 à 64 ans, s’est radicalisée depuis que le gouvernement a fait passer le texte sans vote à l’Assemblée, s’exposant à des motions de censure qui ont échoué le 20 mars à le renverser.
Depuis, les manifestations sont émaillées de violences croissantes, avec notamment de nombreux policiers, gendarmes, casseurs et manifestants blessés ou des incendies de bâtiments publics.
Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a annoncé un « dispositif de sécurité inédit » pour mardi avec « 13.000 policiers et gendarmes, dont 5.500 à Paris ». Et le porte-parole du gouvernement Olivier Véran a assuré mercredi que l’exécutif était « le rempart à la violence illégitime ».
Parallèlement, les blocages, piquets de grèves et manifestations continuent depuis des jours, perturbant l’approvisionnement en carburant de certaines régions françaises et certains axes routiers ou dépôts logistiques.
La circulation des trains était fortement perturbée mardi matin. Un millier de manifestants a envahi les voies de la Gare de Lyon à Paris mardi en soutien à un cheminot éborgné lors d’une précédente manifestation.
Et dans le ciel, l’aviation civile a une nouvelle fois demandé mardi aux compagnies aériennes de renoncer à une partie de leurs vols jeudi et vendredi, notamment à Paris-Orly, en raison de la grève de contrôleurs aériens contre la réforme.
A la gare de Lille (Nord), Yasmine Mounib, 19 ans, étudiante, levée à 04H00 pour un cours à 08H00 qu’elle va quand même rater, se dit « d’accord » avec les revendications des grévistes.
« Mais ils pourraient laisser les trains du matin pour les lycéens, les étudiants. Moi, c’est en train de me coûter ma scolarité », explique-t-elle.
Plus de 15% des stations-service de France étaient lundi à court d’essence ou de gazole, particulièrement dans le sud, l’ouest et la région parisienne.
A Paris, la Tour Eiffel est fermée. Et des milliers de tonnes d’ordures, qui servent de combustibles à des groupes de casseurs le soir, défigurent toujours la capitale française après plus de trois semaines de grève des éboueurs.
– « Geste d’apaisement » –
Tout en restant inflexible sur le fond de la réforme, le gouvernement clame sa volonté d' »apaisement » et la Première ministre Elisabeth Borne a ouvert lundi trois semaines de consultations, avec les parlementaires, les partis politiques, les élus locaux et les partenaires sociaux.
Les syndicats, qui ont mis en garde contre un dérapage incontrôlé de la contestation, n’entendent pas renoncer sur l’âge de départ, clé de voûte de leur mobilisation.
Le leader de la centrale réformiste CFDT Laurent Berger, qui réclame une « pause », dans cette réforme, a demandé mardi à l’exécutif de mettre en place une « médiation » pour « trouver une voie de sortie ». « Ce que propose l’intersyndicale aujourd’hui, c’est un geste d’apaisement », a dit Laurent Berger.
Le chef du syndicat CGT, Philippe Martinez, a annoncé que l’intersyndicale allait « écrire au président de la République », pour lui demander une nouvelle fois « de suspendre son projet », tandis que certaines voix de l’opposition de gauche, comme le dirigeant communiste Fabien Roussel, accusent Emmanuel Macron de « jouer le pourrissement » du mouvement.
« Nous saisissons la proposition de Laurent Berger de se parler, mais directement. Nul besoin de médiation », a rétorqué le porte-parole du gouvernement.
Mais au sein même de la majorité, les députés centristes du MoDem se sont dits favorables à la mise en place d’une médiation.
Le renseignement territorial anticipe que « 650.000 à 900.000 personnes défileront partout en France mardi, dont 70.000 à 100.000 personnes à Paris », selon une source policière.
Une autre source policière prévoit « un doublement, voire un triplement » de la présence des jeunes dans les cortèges. Plusieurs établissements scolaires ont été bloqués mardi matin.
« Le but, c’est d’apporter un soutien aux grévistes », explique Loann, 15 ans, en première au lycée Lavoisier à Paris.
Signe du climat délétère, des affrontements particulièrement violents ont opposé samedi manifestants et force de l’ordre dans une région rurale du centre de la France sur fond d’hostilité à un projet de retenue d’eau. Un homme reste entre la vie et la mort.
Les jeunes sont notamment mobilisés sur la question des violences policières, dont certaines ont été largement partagées sur les réseaux sociaux. Le Conseil de l’Europe a critiqué un « usage excessif de la force ».