Formalisation du secteur informel : un économiste émet des réserves

Lors du Conseil des ministres réuni mercredi dernier, 6 novembre, le président de la République a donné des instructions sur la formalisation du secteur informel. Bassirou Diomaye Faye a, dans ce sens, demandé au Gouvernement de définir avec toutes les parties prenantes, une doctrine nationale de formalisation du secteur informel autour d’une meilleure structuration des activités et des acteurs, mais également d’une réorganisation optimale de l’encadrement des différentes entités de l’État dans les domaines de la formation, du financement, de la fiscalité et de l’installation dans des zones spéciales, sites et espaces dédiés. 

Dans cet élan, il a indiqué au Premier ministre [Ousmane Sonko] l’importance de la tenue de concertations avec les Chambres consulaires du Sénégal pour accélérer la transformation systémique de l’économie informelle, souligne le communiqué sanctionnant la réunion hebdomadaire. 

Dans un entretien accordé à L’Observateur, l’ancien recteur de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar, Amadou Aly Mbaye, indique que «l’idée de formaliser l’informel est une chimère». D’ailleurs, les tentatives des régimes précédents, notamment les anciens présidents Abdoulaye Wade et Macky Sall, se sont soldées par des échecs, relève le journal. 

«Une erreur généralement commise, parlant de l’informel c’est de vouloir le formaliser. Même les partenaires au développement qui, pourtant, consacrent beaucoup de ressources pour la compréhension du phénomène de l’informel, commettent la même erreur. Il ne faut pas penser que lorsqu’on amène les acteurs de l’informel à se faire enregistrer, notamment au niveau du service des impôts, on les formalise», analyse le professeur d’économie et de politiques publiques à l’Ucad. 

Il poursuit : «Le groupe de la Banque mondiale, en partenariat avec l’Ohada, a entrepris, vers la fin de la décennie précédente, un programme pilote de formalisation de l’informel, notamment en faisant enregistrer les acteurs de l’informel, en contrepartie d’incitations financières substantielles. Au bout du compte, l’expérience a tourné court, car très peu d’acteurs se sont fait enregistrer. […]. C’est que l’informel est très complexe, il inclut les marchands ambulants, mais aussi les gros importateurs de riz ou les transporteurs gérant une flotte de centaines de voitures ou plus, sans compter les entreprises identifiées comme formelles et qui se livrent à beaucoup de pratiques informelles.»

Pour le spécialiste, «parler de formalisation, dans ce contexte, n’a aucun sens». Puisqu’insiste-t-il : «On fait face à un groupe hétérogène. Les mesures généralistes, comme celles visant l’enregistrement des unités informelles, ont peu de chance de réussir». Mbaye suggère «plutôt des mesures ciblées, avec des instruments différenciés pour chacun des segments de l’informel», mais celles-ci ne pourront être déroulées qu’avec «des données fiables sur les activités concernées», souligne-t-il. 

Le secteur informel contribue «autour de 40% au Pib» et génère «autour de 90% des emplois qui sont informels», estime l’interlocuteur du quotidien d’information.

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