Le chemin menant vers la souveraineté pharmaceutique est encore long. Le Sénégal a entamé une longue marche depuis 1973. Ce processus a connu des hauts et des bas. Des industries comme Médis Sénégal ont traversé une période de frémissement puis d’interruption de la production. Depuis janvier 2022, à la faveur des contraintes de satisfaction des besoins du marché intérieur, l’Etat a injecté plusieurs milliards pour relancer la marche vers une souveraineté pharmaceutique tant recherchée et vantée. La volonté des autorités y compris du Président de la République, Macky Sall est plus que manifeste. En tout cas, les pharmaciens et des médecins regroupés autour de Teranga pharma se sont fixé d’ambitieux objectifs : réduire de 50 % des ruptures de médicaments et de fabriquer 17 molécules sur les 18 jugées prioritaires par le Sénégal en 2030. Alors que Médis Sénégal table sur la couverture de 50 % des besoins en médicaments d’ici à 2035.
Le marché pharmaceutique sénégalais pesait 160 milliards FCFA en 2019, soit 12% du marché africain et à plus de 200 milliards F CFA en 2020. Ce marché est dominé à 80% par le secteur privé et 20% par le secteur public. Il a enregistré une croissance de 12 % par an entre 2014 et 2019. Cette progression devrait être maintenue avec une croissance projetée de 10 % par an d’ici à 2024. Cette tendance haussière est tirée notamment par la croissance démographique et l’augmentation des dépenses de santé par habitant.
Les trois enjeux d’une bonne politique pharmaceutique
Selon le rapport du cabinet Mckinsey rédigé suite au diagnostic de la production locale après l’avènement de la Covid 19, le positionnement de l’industrie pharmaceutique sénégalaise a l’ambition de répondre à 3 enjeux clés. Il s’agit d’un enjeu stratégique avec la volonté de garantir la souveraineté pharmaceutique et réduire les importations des produits médicaux en sécurisant la production de 18 molécules considérées comme prioritaires pour le Sénégal.
La demande de ces molécules de haute importance pour la santé publique est en augmentation. Il y a aussi l’enjeu de santé publique. L’objectif est de garantir que les deux tiers de la demande pour les 18 molécules prioritaires ainsi qu’un tiers de la demande totale soient fabriqués localement. Un minimum de conditions s’impose pour assurer la disponibilité d’un stock de médicaments de sécurité et prétendre à la souveraineté pharmaceutique.
Il y a une nécessité d’assurer la viabilité économique des différents projets pharmaceutiques en cours de mise en œuvre dans le pays avec des unités de production ayant des marges supérieures à 8-10%.
Le renouvellement d’une autorisation de mise sur le marché (AMM) d’un produit d’origine étrangère requiert la mise en place d’une unité de production locale ou de s’appuyer sur un acteur industriel local.
Afin de soutenir, la production, la primauté de la prescription en général des produits fabriqués localement ou au moins ceux remboursés par la CMU doit être préconisée.
De la viabilité des industries
Le statut d’entreprise défiscalisée pour une période de 10 ans pour les industries pharmaceutiques actuelles qui peinent à exister est à améliorer. C’est ainsi que ces entreprises pourront devenir viables et compétitives et par ricochet atteindre la souveraineté pharmaceutique.
Rappelons qu’il existe une ligne de garantie spécifique au niveau du FONGIP pour le secteur de l’industrie pharmaceutique avec comme finalité de soutenir leur production.
Teranga Pharma, fait renaître l’espoir
Teranga Pharma est une nouvelle industrie pharmaceutique qui appartient à 670 actionnaires sénégalais. 90 % des actionnaires sont des pharmaciens et médecins et des membres du Conseil National du Patronat (CNP) et du Club des Investisseurs Sénégalais (CIS) qui ont déjà investi 1,2 milliard FCFA. Le volume des investissements doit atteindre 6 milliards dans les deux ans à venir.
Teranga Pharma SA travaille pour la réalisation de sa vision qui est d’assurer la souveraineté pharmaceutique du Sénégal à l’horizon 2030 pour sa gamme de produits. Cette vision s’appuie sur 3 axes stratégiques. Il s’agit de la production de médicaments génériques et de phytomédicaments, le lancement d’une plateforme logistique qui aura pour objectif de faire de Dakar un hub pharmaceutique en 2026. A cela ajoutons la production complète ou sous-traitance des médicaments des grands groupes pharmaceutiques consommés en Afrique en 2026 et des médicaments des programmes d’aide de l’USAID et de l’OMS. Teranga pharma a repris l’usine qui était occupée par Pfizer. L’entité avait licencié tout son personnel. Dans la même dynamique, l’entreprise a recruté 40% de ce personnel mais aussi une partie de l’encadrement.
Des molécules sur le marché
Le gouvernement du Sénégal, à travers le PAP2A a érigé le secteur de l’industrie pharmaceutique aux rangs des priorités. Teranga Pharma a été l’un des acteurs clés de la relance de l’industrie pharmaceutique. Il a été cité dans le document PAP2A comme devant bénéficier de l’accompagnement de l’Etat sénégalais. L’accompagnement de Teranga Pharma et de toutes les autres entreprises pharmaceutiques sénégalaises regroupées au niveau de l’ASIP (Association Sénégalaise de l’Industrie Pharmaceutique) devrait passer par l’introduction de dispositions réglementaires. Teranga Pharma SA a mis sur le marché sénégalais au mois de Septembre 15 présentations pharmaceutiques et attend 09 autres au cours du premier trimestre 2023. Cette production marque le début de la grande et longue marche vers la réalisation de la souveraineté pharmaceutique pour 17 des 18 molécules jugées prioritaires par le gouvernement sénégalais à l’horizon 2030.
Les leçons tirées de la COVID 19 et la marche vers la souveraineté pharmaceutique exigent l’adoption de nouvelles attitudes de la part des prescripteurs (Prescription Responsable), des pharmaciens d’officine (Conseil Responsable) et de nos concitoyens (Consommation Responsable) en donnant la primauté aux produits sénégalais. Cette nouvelle attitude appelée patriotisme économique appliqué par les pays développés même en Afrique ouvre la voie à la création de nouveaux emplois et à la consolidation des emplois existants. C’est aussi la voie pour réduire les importations et par ricochet diminuer la sortie de devises, la fabrication des produits sociaux à faible marge mais nécessaires pour la santé des populations.
Aussi, la fabrication locale des médicaments est la meilleure réponse à leurs fréquentes ruptures. Elle pourrait aussi favoriser la baisse des prix dans le moyen et long terme ce qui aura des effets positifs sur la vente illicite des médicaments en avec l’accessibilité des prix.
Teranga Pharma a l’ambition d’être un champion sénégalais et sous régional pouvant répondre aux besoins actuels et futures des populations des pays de l’Afrique de l’Ouest en produits pharmaceutiques abordables de qualité requise et de constituer ainsi une infrastructure résiliente TERANCA pour toute nouvelle épidémie.
Faire du Sénégal un hub pharmaceutique
Dr Mouhamadou Sow, Directeur général de Teranga Pharma, a fait savoir que trois piliers stratégiques ont été mis en place pour faire de Dakar un «hub pharmaceutique d’ici 2025». « Nous allons nous positionner pour faire de Dakar un lieu de sous-traitance, car nous sommes la seule industrie pharmaceutique qui appartient exclusivement à des Sénégalais », a-t-il dit. Lui et ses camarades veulent contribuer à réduire de 50 % les ruptures des produits pharmaceutiques. «17 des 18 molécules jugées prioritaires par le gouvernement sénégalais seront produites par Teranga Pharma », a promis Dr Mouhamadou Sow. Pour lui, l’ambition de cette nouvelle industrie, c’est d’inverser la tendance, en permettant de maintenir dans le pays 80 % des bénéfices. Mais, il s’agit aussi, renseigne-t-il, de « garantir la production et de contrôler » les médicaments de bonne qualité.
La concrétisation de cette ambition passe par la modernisation du tissu industriel avec la plateforme logistique Teranga Pharma. Cette entreprise table sur une fabrication de 17 molécules sur un 18 classées prioritaires par le Sénégal. « Nous allons diminuer le taux de rupture des médicaments d’ici 2030 et bien entendu nous proposons des produits de bonne qualité. Nous allons également investir 6 milliards F CFA pour faire de notre tissu industriel une structure résiliente par rapport aux nouvelles pandémies. Il nous faut aller vite pour réaliser ce projet », informe Dr Sow. Au passage, il a relevé que le Sénégal importe environ 175 milliards F CFA de médicaments chaque année. L’un des objectifs, c’est d’inverser cette tendance d’ici à 10 ans pour les 80 % restants au Sénégal et les 10 % partent à l’étranger.
Médis-Sénégal
Médis Sénégal a repris du service après une fermeture en janvier 2020. Bien avant cette interruption de production, cette entreprise traversait une mauvaise passe. Il fallait l’intervention de l’Etat pour que l’entreprise rouvre à nouveau ses portes. Le Président de la République, Macky Sall est intervenu personnellement pour sauver Médis Sénégal.
Le Dr Abdou Aziz Cissé, alors Directeur de Médis Sénégal et président de l’Association des produits pharmaceutiques locaux, assure que l’unité de production va reprendre ses activités puisque l’État compte y injecter 5 milliards de FCFA dans le capital de la société. Toutefois, il a précisé que le temps de la médecine n’est pas celui de la politique. « L’autorité suprême a ordonné la reprise d’une activité d’intérêt général pour le pays, mais on traîne les pieds. C’est bizarre », avait-il confié à l’époque à nos confrères du quotidien national. Quelque temps après, l’espoir de voir enfin le bout du tunnel était permis.
L’industrie pharmaceutique, Médis Sénégal, a rouvert ses portes depuis le 3 janvier 2022. Une liste de molécules considérées comme prioritaires est validée. Il s’agit des médicaments du paracétamol, le fer ou les produits utilisés dans la lutte contre le Covid19. L’un des objectifs, c’est de couvrir 50 % des besoins en médicaments d’ici à 2035.