Accusé d’avoir mené un « projet criminel » contre l’élection présidentielle en 2020, l’ancien président s’est rendu au tribunal fédéral de Washington pour sa comparution pénale. Son procès pourrait avoir lieu pendant la campagne présidentielle à venir.
Il l’a dit lui-même, debout, devant la justice de Washington. L’ancien président américain Donald Trump a été formellement accusé de manœuvres « criminelles » visant à inverser les résultats de l’élection de 2020. Lors de sa comparution pénale jeudi 3 août devant un tribunal fédéral de Washington, considérée comme historique, Donald Trump, présent physiquement sur place, a répondu « non coupable » à la lecture par la juge Moxila Upadhyaya des chefs d’accusation et des peines de prison encourues.
L’acte d’accusation de 45 pages, qui avait été rendu public deux jours plus tôt, reproche à Donald Trump d’avoir sapé les fondements de la démocratie américaine en tentant d’altérer le processus de comptabilisation des suffrages de plus de 150 millions d’Américains en novembre 2020, lors de l’élection présidentielle remportée par le démocrate Joe Biden.
« Malgré sa défaite, le prévenu était déterminé à rester au pouvoir. Par conséquent, durant plus de deux mois après le scrutin du 3 novembre 2020, le prévenu a diffusé des mensonges selon lesquels il y avait eu des fraudes ayant modifié le résultat et qu’il avait en fait gagné » contre Joe Biden, relève l’acte de mise en accusation publié le 1er août.
Trump se dit persécuté
« Ces allégations étaient fausses et le prévenu savait qu’elles étaient fausses. Mais le prévenu les a répétées et les a largement diffusées malgré tout », peut-on lire dans le document, qui évoque pour cette raison un « projet criminel » de Donald Trump contre les résultats électoraux. Des inculpations inédites et d’autant plus graves que Donald Trump était alors encore président en exercice.
Avant de reprendre l’avion après son audience, l’accusé Donald Trump a déploré « un jour très triste » pour les États-Unis et s’est dit persécuté en tant qu’« opposant politique » par l’administration de Joe Biden. Une prochaine audience pour déterminer la date du procès a été fixée au 28 août. Elle se tiendra sous l’autorité de la juge fédérale Tanya Chutkan, qui présidera les débats au procès.
La défense de Trump a de son côté réclamé du temps pour étudier la masse de documents contenue dans le dossier, s’élevant contre la demande de procès rapide formulée par le procureur spécial Jack Smith, qui a supervisé l’enquête : il avait déclaré mardi 1er août vouloir « un procès sans délai ». Raison pour laquelle le milliardaire pourrait se voir obligé de comparaître devant un tribunal en pleine campagne électorale l’an prochain.
« Je peux assurer à tout le monde qu’il y aura un processus et un procès équitable », a déclaré la juge Moxila Upadhyaya lors de l’audience procédurale de ce 3 août, sans pour autant s’avancer sur les dates de celui-ci. Jack Smith est arrivé quasiment au même moment que Donald Trump ce jeudi au tribunal de Washington, mais les deux hommes n’ont pas échangé un regard, selon un journaliste du New York Times présent sur place.
A deux pas du Capitole
Le tribunal fédéral où Donald Trump a comparu ce jeudi est d’autant plus symbolique qu’il se trouve à proximité du Capitole, le siège du Congrès américain. C’est le bâtiment qui avait été pris d’assaut le 6 janvier 2021 par des centaines de partisans de Donald Trump chauffés à blanc, qui voulaient empêcher la certification de la victoire de Joe Biden par les institutions américaines.
Cet événement sans précédent dans l’histoire américaine est aussi au coeur de l’acte d’accusation à l’origine de sa compuration le 3 août. L’attaque du Capitole « était un assaut sans précédent contre le siège de la démocratie américaine », qui a « a été encouragée par des mensonges. Des mensonges de l’accusé destinés à entraver une fonction essentielle de l’État américain : le processus par lequel la nation collecte, compte et certifie les résultats de l’élection présidentielle », a asséné Jack Smith le 1er août.
Plus de 24 heures avant le début de l’audience, les caméras et les camions satellites des médias nationaux et internationaux étaient déjà déployés sur place, sous les objectifs et l’œil curieux des passants et des touristes. Jeudi à l’aube, une petite centaine de journalistes faisaient la queue pour pénétrer dans le tribunal tandis que des barrières de sécurité étaient dressées autour du bâtiment, ainsi qu’autour du Capitole. Plus de six services de police ou agences de sécurité, dont le Secret Service, chargé de la protection des hautes personnalités de l’État, ont été mobilisés pour cette occasion.
Des accusations répétées
Avant cette audition au tribunal, Donald Trump avait de nouveau accusé son successeur et rival démocrate Joe Biden d’être à l’origine de ces nouvelles poursuites judiciaires pour l’écarter de la course à l’élection présidentielle de 2024.
« Les démocrates ne veulent pas faire campagne face à moi, sinon ils n’auraient pas recours à cette instrumentalisation sans précédent de la justice », avait auparavant écrit M. Trump. Selon lui, on l’accuse à tort d’« avoir contesté une élection truquée. Juridiction injuste, juge injuste », a-t-il écrit sur sa plateforme Truth Social. « Je vais maintenant à Washington en vue d’être arrêté pour avoir contesté une élection frauduleuse, truquée et volée. C’est un grand honneur parce que je me fais arrêter pour vous. (…) Je n’ai plus besoin que d’une inculpation pour assurer mon élection ! », a par ailleurs ironisé le grand favori des primaires républicaines.
Les conséquences de cette inculpation sur sa candidature restent à déterminer. Malgré les poursuites qui s’accumulent, Donald Trump, 77 ans, creuse actuellement l’écart avec le numéro 2, le gouverneur de Floride Ron DeSantis, qui enchaîne les faux pas depuis le début de sa campagne. Selon un sondage New York Times/Siena College publié lundi 31 juillet, l’ex-président le devance désormais de 37 points.
Le président Biden, en vacances dans une station balnéaire du Delaware sur la côte est, avait assuré à la chaîne CNN qu’il ne suivrait pas les informations sur la comparution de son potentiel futur adversaire en 2024.