Des prisonniers russes recrutés par Wagner accusés de meurtre à leur retour du front

D’anciens prisonniers recrutés par le groupe paramilitaire Wagner pour aller combattre en Ukraine sont suspectés d’avoir tué, à leur retour du front, deux personnes en Russie et en Ossétie du Sud, région séparatiste de Géorgie. Des faits divers qui soulignent la dangerosité de ces criminels endurcis renvoyés à la vie civile après avoir survécu à l’enfer de Soledar ou Bakhmout.
 
C’est une réapparition qui a semé la terreur fin mars parmi les habitants de Novyj Burets, petit village endormi dans la région de Kirov, à 600 km à l’ouest de Moscou. Le multirécidiviste Ivan Rossomakhin, 28 ans, condamné pour meurtre en 2020, revenait dans sa ville natale à l’occasion d’une permission après plusieurs semaines sur le front ukrainien.
 
Dès les premiers jours, le comportement agressif du milicien inquiète les habitants, qui réclament une réunion publique à la mairie. Devant les caméras d’une télévision locale, le chef de la police promet alors d’expulser le « fauteur de troubles ».
 
Mais le lendemain, Ivan Rossomakhin est suspecté d’être passé à l’acte en assassinant à coups de hache Yulia Buiskich, 85 ans, à son domicile. « L’État, ainsi que Poutine et Prigojine, sont responsables de la mort de Yulia et devraient en répondre », a assuré un proche de la victime, sous couvert d’anonymat, cité dans un article du Guardian publié le 22 avril.
 
Durant l’été 2022, Evguéni Prigojine, le chef du groupe Wagner, a lancé une vaste campagne de recrutement dans les prisons russes avec la bénédiction du Kremlin. En échange d’un engagement de six mois en Ukraine, des condamnés se voyaient promettre une amnistie. 
 
Un autre cas en Géorgie
 
Cependant, le retour à la vie civile est loin de se faire sans encombre pour certains d’entre eux, comme le rappelle le meurtre de Yulia Buiskich. 
 
Plusieurs médias rapportent un autre cas survenu le 17 avril dans le village de Tskhinvali, en Ossétie du Sud, région séparatiste de Géorgie, où une figure appréciée du village de Tskhinvali, Soslan Valiyev, a été poignardée à mort par Georgiy Siukayev, un prisonnier recruté par Wagner à l’automne dernier.
 
 
Les autorités ont pu identifier l’auteur en s’appuyant notamment sur une vidéo, postée sur Telegram, dans laquelle la victime est pourchassée et rouée de coups par l’ancien combattant. 
 
Selon CNN, Prigojine lui-même a commenté cette dernière affaire, offrant une assistance aux forces de l’ordre. « Si une personne a un comportement agressif […] ou s’il y a un risque, surtout s’il s’agit d’un ancien détenu, vous devez nous le faire savoir. Nous allons envoyer notre groupe de recrutement, le récupérer et le renvoyer au front », assure le chef du groupe paramilitaire.
 
Mais dans le même temps, le patron de Wagner a également promis d’aider ses soldats en cas d’ennuis avec la justice, renforçant le sentiment d’impunité de criminels auréolés de leur nouveau statut de héros de guerre. « La police doit vous traiter avec respect. S’ils sont déraisonnables… je les appellerai moi-même et je réglerai la situation avec les gouverneurs. Nous trouverons une solution », a-t-il ainsi déclaré à un groupe d’anciens prisonniers. 
 
L’hebdomadaire britannique The Observer a récemment publié le témoignage d’Alexey Savichev, un meurtrier rentré en mars dernier dans sa ville natale. Ce dernier explique avoir dépensé toute sa solde en « alcool et prostituées ». Malgré ses nombreux excès et arrestations en état d’ébriété, la police locale s’est toujours montrée clémente à la vue de ses décorations militaires, prétend l’ancien combattant. “Les flics me traitaient un peu comme un héros », explique-t-il. « J’avais l’impression que je pouvais m’en tirer avec n’importe quoi. »
 
Selon les estimations, jusqu’à 50 000 détenus pourraient avoir combattu en Ukraine, mais bien peu ont survécu parmi ces soldats de fortune envoyés dans les endroits les plus dangereux du front pour user les lignes de défense ennemies. Evgueni Prigojine a récemment estimé que 5 000 anciens prisonniers avaient été graciés après avoir combattu en Ukraine.
 
 
En février, le groupe Wagner a toutefois annoncé qu’il arrêtait ses recrutements dans les établissements pénitentiaires. Une décision qui pourrait être en lien avec les réticences de l’opinion publique et celles du ministère russe de la Défense, avec lequel Prigojine entretient une rivalité féroce. Selon les experts, elle pourrait également révéler un manque de volontaires, sans doute refroidis par les méthodes brutales de la milice et à l’idée de servir de « chair à canon » à Bakhmout, épicentre des combats dans le Donbass.

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