Le Sg général du parti Ad/Pads, Mamadou Diop Decroix est d’avis qu’il faut changer de système pour que le Sénégal sorte de l’ornière. Interpellé sur le rapport de la Cour des comptes, la violence à l’hémicycle et le 3e mandat de Macky, l’invité du Grand oral sur Rewmi fm dit tout.
Qu’est-ce que les Sénégalais peuvent retenir de la déclaration de politique générale du Pm ?
Permettez-moi de convoquer la sourate Taha où Dieu a demandé à Moïse d’aller chez le Pharaon qui était surpuissant. Le Pharaon est devenu arrogant, suffisant et Moïse avait cette mission de lui parler. Il avait dépassé toutes les limites. Moïse demanda à Dieu d’élargir sa poitrine pour encaisser car Pharaon est puissant et que Dieu lui accorde sa capacité d’encaisser et de faciliter sa mission. Ensuite il demande à Dieu de l’aider dans son adresse pour que ceux qui sont autour de Pharaon comprennent. Dans l’espace politique, il y a toujours de l’arrogance et de la suffisance. Et c’est dans les deux camps. Le pouvoir comme l’opposition dans cette assemblée. La déclaration de politique générale aussi devait être une occasion. L’opposition a raté l’occasion de montrer qu’elle était sa vision, son programme et projet de société. Mais cela aurait relevé le débat. Dans un article j’ai dit qu’on a raté un débat de haute portée. Le discours d’Amadou Ba est un discours sèchement technocratique. Un discours qui n’a pas d’âme. Quand vous vous adressez au peuple par le biais du parlement, il faut vous adresser aux populations à travers le cœur et l’âme. Que cela reflète leurs attentes. J’ai fait une petite statistique : Il a utilisé près de 15 mille mots dans sa déclaration. Le mot paysan est absent. Le mot agriculture est apparu une fois dans le discours. Pour la pêche qu’on dit que l’an dernier a généré près de 270 milliards, les mareyeurs souffrent car la ressource n’est pas protégée. Les producteurs aussi. Tout le monde souffre. Les pêcheurs ne sont pas protégés. C’est valable pour l’élevage etc. C’est valable pour le capital national. Le mot secteur privé n’apparaît nulle part dans le discours. Le mot préférence nationale non plus. Elle ne s’adresse pas aux acteurs de l’économie. Ce discours pouvait être ouvert par une approche du contexte international. Le conflit en Ukraine qui est à un niveau où on parle de l’éventualité de l’utilisation de l’arme nucléaire est grave. Si le monde manque d’engrais, de gaz , de pétrole etc. c’est parce que la Russie et l’Ukraine, les deux pays producteurs, sont en conflit et tout le monde le ressent. Cette guerre repose le problème des relations internationales. Les Usa sont là et utilisent l’Ukraine pour étouffer la Russie. La Chine est là aussi. La mainmise américaine sur les affaires du monde est remise en cause. L’Afrique doit, pour sa part, taper sur la table et mettre à profit ce conflit et pour se repositionner. Amadou Ba pouvait trouver un moyen de l’aborder puisqu’au Sénégal, on se préoccupe de ça et du fait que l’Afrique doit en profiter pour se poser désormais comme une entité qui pèse dans la balance générale des affaires du monde.
Une déclaration de politique générale faite par une personne qui ne définit pas la politique générale de l’Etat et qui ne l’exécute pas !
La difficulté c’est vrai. Je suis d’accord. Nous sommes dans une constitution. Le DPG doit refléter le point de vue du Président de la République. Je l’ai entendu à Washington tenir un discours que j’ai salué. Il paraît que les Américains veulent faire du chantage en nous poussant à nous comporter de telle ou de telle manière, sinon ce sera la punition. Mais Macky a dit au nom de l’Afrique qu’il faut renoncer. C’est remettre en cause les relations entre les USA et l’Afrique.
C’est rare d’entendre ce type de discours devant Joe Biden. Vous trouvez opportune la motion de censure déposée par l’opposition ?
Oui sur le principe. Mais d’aucuns disent qu’ils auraient dû attendre. Mais le Pm c’est juste un coordonnateur. On peut la déposer quand on veut. C’est celui qui l’a déposée qui doit comprendre le contexte dans lequel il le faut. C’est leur liberté et j’ai exprimé des réserves au sens où cette motion n’a pas été préparée. Mais bon…c’est rejeté. 165 députés dont 55 qui ont voté pour et 110 qui ont refusé. Cela crée un problème au sein de l’hémicycle, car cela pose le problème du peuple de l’opposition qui a fait bloc pour se présenter devant les électeurs. Là, les choses semblent se déliter. C’est un problème politique. Cette motion n’a pas été bien préparée, mais on s’interroge sur son opportunité.
Quel était le sens véritable de ce dépôt ?
Je ne peux pas répondre à la place de Yewwi, mais le résultat montre que cela renforce le pouvoir. Les gens disaient que la cohabitation va s’instaurer et on voit 110 députés rejeter la motion. Alors il y a problème. Politiquement, cette motion a bien servi le pouvoir.
La posture de certains députés en Commission et en plénière pose problème aussi ?
Oui oui. En commission des députés de l’opposition qui ont voté les budgets sectoriels et en plénière ont voté contre. C’est un problème. Si on vote en commission, il faut le confirmer en plénière. Il faut s’assumer. La loi de finance, ce sont tous les budgets sectoriels rassemblés. Cette loi de finance traduit l’expression de la politique du Président et déclenche par secteur cette politique. Si je suis dans l’opposition et que je vote le budget tel que défini par le Président de la République, cela montre que je suis d’accord avec cela. C’est un problème car en votant le budget, on ne peut pas dire que nous sommes de l’opposition. Moustapha Ba, ministre des Finances, a eu une standing ovation. Beaucoup de députés du pouvoir comme de l’opposition, tout le monde l’a applaudi. Je le connais, il est compétent, mais il porte la politique du Président. Tout est allé très vite et les députés pour l’essentiel hormis ceux qui ont gagné étaient sur des listes de suppléants.. Les titulaires, il y en a qui ont une expérience mais on aurait dû mettre à niveau ces députés. J’ai le sentiment que cela n’a pas été suffisamment fait.
On a vu des scènes de violence digne de la rue aboutissant à un mandat de dépôt. Ici la question du profil du député se pose…
Ceux qui sont déçus ont tort de l’être et ces députés sortent de notre société. C’est le Sénégal. Allez partout, ce sont des insultes, des bagarres, les gens se canardent au fusil. Cette société est malade et Dieu ne viendra pas. Naturellement on considère que ceux qui sont au gouvernement doivent être mieux lotis en termes de connaissances. Le choix des députés pose problème et j’attends des propositions de comment changer tout cela. Souvent c’est le chef qui fait la liste. C’est peut-être celui qui a le plus d’argent qui passe. Il y a des enjeux et ce sont des questions de fonds. Ce système fonctionne depuis 1960 et est mis en place par les français. On a un système endogène, il faut forcément une période de transition et se pencher sur cette problématique et des solutions. Il le faut mais malheureusement on ne pose pas le problème de manière idoine. Nous sommes tous concernés.
Ce problème ramène le débat entre chef religieux et leaders politiques. Les deux vont-ils de pair ?
Amy Ndiaye Gniby, je la connais bien. C’est une député très active. Je lui ai témoigné solidarité et souhaité prompt rétablissement. Les mis en cause sont en prison. La religion et la politique, les marabouts et la politique. Je ne suis pas d’accord avec ceux qui pensent que le marabout c’est le tapis de prière. Ce n’est pas vrai. D’abord c’est faux et historiquement parlant, celui par lequel le message divin est passé dans la religion musulmane à Médine dirigeait la prière et l’Etat. Donc on était en politique. La politique est saine et correcte. Mais ici on nous dit que la politique s’arrête ici. C’est faux. D’aucuns font ce qu’ils veulent, mentent et volent. Ce qui est dangereux. Les marabouts, les gens vont les voir pour intervenir dans la marche des choses. Il faut distinguer l’implication politique et celle dite partisane. C’est l’erreur que les gens commettent. Il y a la politique en tant que fait social. Les marabouts sont en politique mais pas dans l’opposition partisane. Quand il y a des problèmes les gens vont les voir. Tout le monde va les voir aussi.
Mais les marabouts sont aussi dans la politique partisane
Ils en ont le droit. Cela ne date pas d’aujourd’hui car sous Senghor, il y a eu des marabouts dans la politique et qui l’assument. C’est un problème de niveau simplement. Si n’avez pas le niveau nécessaire, on ne peut pas faire le distinguo entre la dimension maraboutique.
L’extrémisme en politique on en parle des deux côtés, dont cette violence physique et verbale ?
Tout à fait. En toute chose, ce qui est mieux est équilibré. Les extrêmes sont utiles mais il faut faire très attention. Ce sont l’expression de déficit et d’un manque de quelque chose. Au sein du pouvoir, les extrémistes sont les moins imbus de la situation et compensent leur manque par la violence. Avec Macky ça marche. Dans l’opposition également, il y a un problème de formation, de niveau. Or les partis dans la Constitution concourent à l’expression du suffrage et on parle de financer les partis et donc ont leur devoir de formation. Sur Facebook, j’ai donné deux cours sur les élections pour une meilleure lecture de la problématique de l’engagement. On parle d’entrepreneuriat politique. Ceux qui ont compris, ont une responsabilité dans ce pays et ce sont des dérives aussi. J’ai dit que cette période de transition institutionnelle est nécessaire dans ce pays. Abdoulaye Wade l’avait évoqué. Benno siggil Sénégal et Moustapha Niasse avaient même commencé à faire des propositions.. Quand on est dans l’opposition, on le ressent, mais une fois au pouvoir, on laisse tomber. Cette constitution est confortable pour celui qui dirige le parti et les gens ne veulent pas changer. Le système a atteint ses limites et il faut le changer.
La 3e candidature préoccupe le peuple. Un pas en avant dans le oui. Votre interprétation ?
Je ne perds pas mon temps là-dessus. Il peut faire ou dire ce qu’il veut. Les gens feront ce qu’ils auront à faire. Ce pays ne brûlera pas pour les beaux yeux de qui que ce soit. Les gens savent régler les problèmes et libre à lui de faire ce qu’il veut.
Il y a des arrestations tout azimut d’opposants et la restriction des libertés. Comment analysez-vous tout cela ?
Tout est mélangé. Il y a un problème de compréhension. Il y a une ambiance générale. On nous mettait en prière bien que nous ne nous insultions pas. On n’était pas d’accord seulement. Mais si devant un ministre, je l’accuse d’être un assassin sans preuve, il y a un problème. Un député a tenu à l’endroit d’un ministre des propos pas idoines. Mais quand on dit apprécier, il faut faire attention. Le pouvoir est le seul problème. Quand une personne dérape, on l’a punie. Mais le pouvoir laisse faire. Le mal est profond. Cela montre qu’il y a un problème de démocratie et cela est au-delà des libertés. Il faut aller à la racine. Il faut aller au fond si on veut régler le problème. On a pensé que la politique n’était plus l’art de gérer la cité, mais l’art de gérer ses intérêts. Aussi longtemps que l’on sera dans cette logique-là, on ne va pas s’en sortir. Ceux qui ont compris tentent de refaire les choses. La politique n’est pas sale et on n’a pas trouvé meilleure que la politique. C’est mieux que de se battre. Il faut des formules pour recentrer le tout et autour des intérêts du peuple, il faut discuter du tout.
Pensez-vous à la présidentielle de 2024. C’est dans un an, Aj/Pads s’y prépare ?
Oui mais différemment aussi. Aux arènes, en tant que lutteur, je débarque avec mon tam-tam et je défie les autres. Dire que celui qui n’a pas peur de moi me défie. Non ! une candidature se prépare et se cuisine. On repense à notre conception. En étant jeune nous avons pensé que ceux qui produisent de la richesse doivent diriger ce pays. Et on a travaillé là-dessus. Dans la clandestinité on disait « tout pour le parti ». La gauche est convaincue que tant que ce sont des intérêts qui dirigent ce pays, le pays ne s’en sortira pas. C’est clair et net. Donc il faut travailler avec ces forces pour avoir un pôle politique, alternatif et crédible et impliquer tous les plans de la société. C’est après qu’on affichera le candidat et là on saura comment faire. C’est la dessus que je travaille le parti et son candidat. oOn est en train de construire la force pour gagner.
On a vu le dernier rapport de la Cour des comptes. L’impunité est une question aussi ?
Ce n’est pas nouveau. Sous Wade, on a emprisonné des gens mais sous Macky, personne ne séjourne en prison. Cela ne surprend personne. Il faut changer le régime et les méthodes. Quand Wade partait, on a constaté que des gens disaient peu importe.
Mais depuis lors, est-ce que vous entendez des gens dire que Macky s’en aille peu importe son remplaçant ? Non. Il faut scruter ce par quoi remplacer son existence, mais scruter ce par quoi on doit changer. Il faut réformer pour s’en sortir. Les rapports d’enquêtes ont toujours existé. Ce n’est pas ce que la cour des comptes a sorti. Mais elle ne fait que confirmer ce que les sénégalais savent déjà. On ne peut pas s’étonner car la ligne directrice du Président c’est de ne pas sanctionner. Il faut changer les choses avec des règles. Les gens ont volé. Mais sans suite aussi car il n’y aura aucune poursuite. Donc tout cela retourne à la racine et il faut une solution aussi. La presse aussi a une grande responsabilité. Quand on profère des propos non conformes à l’assemblée, il ne faut pas relayer. Je vois dans la presse aussi que les gens relaient. La presse écrite aussi reprend tout. Mais ce n’est pas bien. Vraiment c’est que les gens doivent changer.
Les sénégalais savent renverser un régime. Quels devraient être les critères pour un choix du futur président ?
C’est valable pour tout le monde. Tous ceux qui dirigent doivent réunir un certain nombre de critères. Pourquoi quand on va vers une famille pour un mariage mais on cherche à savoir le parcours de l’homme. Et s’il laisse à désirer les gens seront réticents. Si c’est le contraire, on unit les deux personnes. Mais ici c’est l’argent qui fait le roi et convainc les populations. Ceux qui aspirent au pays doivent venir sur les plateaux de télévision. Dans cette presse, il y a eu un problème. Pour moi, le premier problème c’est Dakar avec 0,4% avec 25% de la population qui ne peut pas s’étendre. On n’a pas décentralisé les choses. Celui qui prétend diriger ce pays, sans pour autant donner des solutions, n’est pas digne de le faire. Une bombe écologique avec des citernes d’ammoniaque à longueur de journée en passant par le port. Il y a eu l’explosion de la Sonacos avec 150 morts. Combien y a-t-il de citernes sous le chaud soleil. Les inondations idem. Pourquoi les jeunes vont en mer pour rallier l’Europe aussi pour un léger mieux. Il faut un déplacement de 2 millions de personnes pour sortir de Dakar et soulager la capitale. Il faut penser à la qualité de vie avec le loyer qui doit baisser. Mais des rencontres à en plus finir, c’est dommage.