Remis en selle par le président Macky Sall aussitôt après sa retraite, l’ex président de la Cour Suprême, Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly, hérite de la Commission Électorale Nationale Autonome (Cena) dans un contexte peu enviable. Retour sur le parcours du nouvel arbitre du jeu électoral.
À 69 ans et toujours frais comme un gardon, Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly devra remettre à plus tard ses rêves d’une retraite dorée sur une transat au bord de la plage à admirer le décor paradisiaque des îles de son Saloum natal. En effet, le natif de Sokone (en 1954) qui a remis le témoin le 2 mars dernier à Ciré Aly Ba -son successeur au poste de premier président de la Cour Suprême-, n’aura que très peu goûté (seulement quelques jours de retraite) au plaisir d’un retour à une vie normale, en famille.
Après plus de 40 ans de service rendu à la nation aux stations les plus stressantes de la magistrature, le revoilà illico remis en selle par le président Macky Sall. Il a été choisi pour remplacer son confrère magistrat retraité et ancien médiateur de la République, Doudou Ndir, à la présidence de la Commission électorale nationale autonome (Cena). Ce dernier ayant épuisé ses mandats à la tête de ladite commission qu’il dirige depuis 2011, a récemment essuyé une vague de critiques de la part de l’opposition qui exigeait son départ.
Nouvel arbitre du jeu électoral sénégalais, l’ancien directeur de cabinet du Premier ministre Mame Madior Boye (mars 2001-Novembre 2002) est fortement attendu pour faire « respecter la loi électorale de manière à assurer la régularité, la transparence, la sincérité des scrutins en garantissant aux électeurs, ainsi qu’aux candidats en présence, le libre exercice de leurs droits ». Mais force est de reconnaître que le vieux magistrat expérimenté a déjà du pain sur la planche avant même sa prise de fonction.
Le défi de la confiance
Même si ses états de service, aussi impressionnants qu’élogieux au sein de la magistrature, prouvent qu’il a le profil de l’emploi, il n’en demeure pas moins qu’il hérite d’un poste ‘casse-gueule’ (président de la Cena) surtout dans un contexte trouble, une atmosphère peu enviable. Celle-ci est marquée par un processus électoral (présidentielle 2024) vicié d’office par des tensions nées d’une volonté prêtée au président sortant, à tort ou à raison, d’écarter son plus farouche opposant (Ousmane Sonko) pour briguer une troisième candidature.
Dans ce contexte aussi chargé, le premier défi que devra certainement relever Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly est celui de gagner la confiance de l’ensemble des acteurs en lice. Une tâche qui semble être dans ses cordes. Du moins s’il met à profit ces qualités qui lui ont permis de « magnifier la justice et la magistrature » et qu’il a énuméré lors de son discours d’adieu du 23 janvier 2023 à la rentrée solennelles des Cours et tribunaux, à savoir : « la générosité, la tempérance, la disponibilité, l’humilité, l’écoute, le dévouement, la loyauté et le courage personnel ».
La sagesse et l’expérience du juge devront également être de mise pour réguler un processus aussi tendu.
Lettres de noblesses dans la magistrature
Aura-t-il les épaules assez larges pour mener à bien cette mission ardue ? Son background étalé dans un Cv balèze de plusieurs pages, porte à le croire. Sorti de l’École nationale d’administration et de magistrature (ENAM) en août 1981, après une maîtrise en Droit privé à l’Ucad (1976-1979), Coulibaly a commencé sa carrière de juge au tribunal régional de Thiès où il est resté jusqu’en novembre 1984. Il fera ensuite 5 ans (novembre 1984-Août 1989) au tribunal hors classe de Dakar où il s’occupe du jugement des affaires civiles et commerciales. Ce, avant d’être détaché au ministère de la justice au mois d’août 1989 jusqu’au mois de mai 1992. Il y a assuré les postes de conseiller technique puis directeur de cabinet.
Le juge Cheikh Ahmed Tidiane Coulibaly sera muté en 1992 à la cour d’appel de Dakar où il est nommé président de la chambre d’accusation (mai 1992-novembre 1994), puis Président de la première chambre civile et commerciale de décembre 1994 en novembre 1997, date à laquelle il est entré à la Cour de cassation comme conseiller à la chambre civile et commerciale (1997-2001) puis conseiller à la chambre criminelle (2003-2004).
Depuis, il a gagné en ‘galons’. En effet, le juge Coulibaly a, par la suite, été nommé à la Cour Suprême en 2008 où il a présidé la chambre sociale puis la chambre pénale avant d’être nommé Procureur général en 2015. Devenu le magistrat le plus ancien de la Cour, il y était également (de 2015 à sa retraite en 2022) au poste le plus élevé, Président de la Cour Suprême où il a fait 16 de ses 41 années de carrière.
Une notoriété dans les organismes internationaux
Son aura ne se limite pas au palais de Thémis. ‘Extra-muros’, le magistrat jouit d’une bonne réputation. En effet, le juge formateur au Cfj (centre de formation judiciaire) a été l’assistant spécial du Représentant du président de la commission de l’Union africaine, chargé de la protection des civils dans les zones de conflit armé (2005-2008).
Ses nombreux stages (de 1995 en 2010) à la Cour d’appel de Paris et de Bordeaux, ainsi que son passage à la Cour de cassation française et son intégration en tant que membre (2019) au comité des nations-unies sur les disparitions forcées ou involontaires, ont renforcé sa notoriété à l’international.
L’ancien président du réseau francophone des conseils supérieurs de la magistrature (Cms), a publié son premier ouvrage en 1998. Intitulé « OHADA Saisine et procédure devant la Cour Commune de Justice et d’Arbitrage : règlement de procédure de la Cour commune de justice et d’arbitrage », l’ouvrage référence dans le continent en matière du Droit des affaire, traite de « l’organisation, du fonctionnement, des domaines de compétence de la Cour et des contentieux devant la Cour. Examine ensuite le règlement de procédure de la Cour. Se termine sur une présentation du Traité relatif à l’harmonisation du droit des affaires en Afrique ».