CHRONIQUE DU JOUR: Cette année, contrairement aux années précédentes, il n’y aura pas de conférences religieuses pour cause de coronavirus.
Ce qui va rendre triste l’atmosphère du temps de ramadan mais aussi plonger tout un pan de la société dans une sorte de chômage technique ont les implications économiques seront difficiles à vivre pour certains.
Cette période de ramadan devait être, comme à l’accoutumée, un moment de ferveur au cours duquel les prêcheurs rivalisaient d’ardeur pour démontrer leur savoir et partager avec les croyants les recommandations en matière de religion et surtout en période jeûne. Ces conférences qu’ils donnaient étaient attendues avec beaucoup d’impatience puisqu’elles permettaient d’entrer en communion avec ces hommes et ces femmes que l’on voit à travers les chaines de télévision. On pouvait les approcher de près, les écouter et s’abreuver leur source intarissable de savoir et de leur éloquence.
A pareil moment, partout, à Dakar, Ziguinchor comme ailleurs, on voyait les gens ériger des tentes, ranger des chaises et monter la sonorisation. De leur côté, les femmes mettaient leurs plus beaux atours, arboraient un tissu unique, faisant de ces événements des cérémonies très haut en couleurs. Quel délice de passer devant ce spectacle et de contempler les belles toilettes, les beaux décors et d’écouter les voix suaves des chanteurs et des chorales qui récitaient des versets saints qui vous plongeaient parfois dans un état second. Tout ceci va nous manquer cette année à cause de la situation de COVID 19 qui justifie l’interdiction des rassemblements et ainsi l’organisation de ces fêtes du savoir religieux.
Certains se diront tant mieux puisque les conférences religieuses, par leur multiplication et l’occupation anarchique de la voie publique qu’elles entraînent sont également sources de désagréments pour bon nombre de citoyens qui se voient privés de voie de passage ou encore sont tirés de leur sommeil assez tôt à cause de la pollution sonore qui, dans certains cas, sont les conséquences inévitables. Mais même à ceux-là, quelque chose va manquer, parce que ces événements ont fini par faire partie du décor.
Certains prêcheurs tentent de se rattraper en se mettant au goût du jour par l’utilisation de l’internet et des réseaux sociaux pour continuer leur travail de prêche, mais ni la télévision, ni les réseaux sociaux n’ont la même saveur que le live en direct, la communion avec les fidèles ou encore l’ambiance qui entoure ces événements.
D’un autre côté, l’organisation des conférences religieuses était aussi un grand business qui ne disait pas son nom. L’absence des conférences a ainsi des implications économiques certaines. D’abord, chez les prêcheurs pour qui cette période était très féconde dans la mesure où la plupart d’entre eux sont grassement rémunérés après avoir déroulé leur propos. Ils peuvent avoir jusqu’à une dizaine d’interventions et leur valeur étant cotée, tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. Plus on est célèbre, plus on est présent dans les médias surtout télévisuels, plus on est adulé par les foules, mieux on est payé. Certains peuvent même se payer le luxe de louer de grands espaces comme le Grand Théâtre National ou encore faire des tournées internationales pour dispenser leur savoir. Ce qui est un indicateur de leur valeur sur le plan marchand.
Ces événements étant des spectacles, il y a beaucoup d’activités connexes qui sont aussi au ralenti, sinon à l’arrêt. Les sociétés de location de bâches et de chaises, les couturiers qui s’occupaient des tenues des femmes, les chanteurs qui avaient entre autres missions l’animation et les intermèdes, les tâcherons qui aidaient dans l’organisation matérielle se retrouvent ainsi tous dans une sorte de chômage technique, perdant ainsi le peu d’argent qu’ils pouvaient accumuler durant cette période.
En plus, il y a des personnes spécialistes de l’organisation de ce type d’événement qui plaçaient des cartes d’invitation et des cartes de soutien qui étaient par la suite échangées contre des enveloppes d’argent dont le contenu dépendait de la situation sociale de l’ « invité », sans compter le système de parrainage qui poussait les parrains et les marraines à casser la tirelire pour mériter l’immense honneur qui leur a été fait d’être choisi.
C’est ainsi toute une économie qui s’arrête à cause de la pandémie et beaucoup de personnes qui perdent ainsi des ressources qui leur permettaient de vivre décemment pendant une assez longue durée. Pour nombre d’entre eux, cette période était la seule où ils pouvaient profiter de leur savoir et de leur connaissance de la religion pour être au-devant de la scène. Certainement, ils seront les premiers à dire « Allah boni Corona ».
Mamadou DRAME
GMS