CHRONIQUE DU JOUR: La grande cantatrice Ndèye Seck Signature a tiré sa révérence plongeant le monde de la culture dans une profonde tristesse. Le décès de celle qui a marqué les beaux jours de la musique féminine sénégalaise est l’occasion pour revisiter l’époque où les femmes ont bouleversé la hiérarchie et se sont imposées comme les symboles de la musique vraiment sénégalaise.
« Je continue à chanter depuis lors. Je ne peux pas arrêter de chanter. Bien sûr j’arrêterai à ma mort. La chanson, c’est toute ma vie. Je suis griotte, j’ai la musique dans le sang », avait-elle l’habitude de dire, Mamadou Mamour Seck, plus connue sous le nom de Ndèye Seck Signature qui vient de tirer sa révérence des suites d’une longue maladie.
Cette cantatrice, grande icone de la ville de Thiès, qui a commencé à chanter à l’âge de 7 ans, a été révélé au grand public, amateur de la musique moderne dans les années 1990 lorsqu’elle a interprété la chanson « Signature » qui a signé sa célébrité et l’a fait connaitre dans tout le pays et même par-delà les frontières. C’est grâce à cette incursion dans ce style musical prisé par les Sénégalais qui pouvaient ainsi communier avec les cantatrices qui avaient fait les beaux jours de l’orchestre de Daniel Sorano, que Ndèye Seck Signature a pu éclore avec un style qui lui était propre, un timbre vocal original et sur des textes à haute portée morale, s’attaquant aux mœurs et aux mauvais comportements de cette époque.
En effet, en 1986, les femmes qui étaient plus connues dans la chanson traditionnelle utilisant les instruments traditionnels comme le khalam, la kora ou les tams-tams allaient investir la scène musicale sous l’impulsion de Adja Kiné Lam qui a inauguré le genre en osant mettre sur le marché l’album Dogo. En effet, c’est en compagnie de feu Cheikh Tidiane Tall qui avait réussi à faire le bon amalgame entre la musique dite traditionnelle, principalement d’inspiration wolof et les instruments modernes qu’elle allait créer un genre à part dans lequel les femmes, appartenant principalement à l’orchestre lyrique sénégalais, se sont engouffrées et y vont vu leur voie.
Les dames comme Daro Mbaye, Soda Mama Fall, Khar Mbaye Madiaga, Dial Mbaye, Aby Gana Diop, Fatou Talla Ndiaye, Madiodio Gningue, entre autres cantatrices de l’époques suivies plus tard par la bande à Fatou Gueweul ou Maty Thiam Dogo allaient bouleverser la hiérarchie musicale jusque-là dominée par les hommes. Elles allaient réussir à être à mi-chemin entre la critique des comportements, un discours moralisateur et un répertoire dédié à l’éloge des grandes figures religieuses et traditionnelles qui ont marqué le pays. Ce qui ne les empêchaient pas de chanter les louanges de leurs « guers » bienfaiteurs qui leur distribuaient de l’argent pour marquer leur reconnaissance et leur attachement parfois familial. Elles allaient ainsi bouleverser les codes et ramener les Sénégalais à la réalité des rapports sociaux entre castes, familles et préférences religieuses sans jamais provoquer de clashes. Leur verbe était haut et bien dit de sorte qu’il n’y avait pas de dérapages mais plutôt des textes dont les images résonnent encore et dont la profondeur n’est certainement pas à démontrer. D’ailleurs, leur intérêt est encore d’actualité démontrant l’effort qui a été consenti dans la conception des textes même si toutes ces femmes n’étaient presque pas alphabétisées dans les langues occidentales.
Si les chanteuses wolofs ont été plus nombreuses durant cette période, elles n’étaient pas les seules. De grandes voix ont été entendues comme Yandé Codou Sène qui a chanté en sérère, Athia Wélé en Pulaar ou Mahawa Kouyaté en mandingue.
Le Sénégal pleurera Adja Ndèye Seck Signature qui a aussi été connue pour sa constance dans son engagement politique auprès du parti socialiste avec Jean Colin et sa femme, Marianne Turpin et aussi Mantoulaye Guène. Elle qui a fait ses études primaires à l’école élémentaire de Médina aimait beaucoup chanter Dieu et le Prophète Mohamed (PSL).
Repose en Paix la Diva
Mamadou DRAME
GMS