Le Pr Amsatou Sow Sidibé n’y est pas allée avec le dos de la cuillère. Elle a mis en garde Macky Sall par rapport à son entourage. Agrégé de sciences juridiques, elle est la présidente de Car Lenene. Passant en revue l’actualité, elle a abordé la question du 3ime mandat, le rapport accablant de la Cour des comptes, entre autres. Elle était l’invitée du Grand Oral sur Rewmi Fm.
Macky va s’adresser à la nation. Qu’Est-ce que vous attendez de ce discours
Qu’il nous fasse des propositions concrètes de sorties de crises. J’aimerai d’abord qu’il se prononce sur sa candidature et c’est un souhait. Et qu’il nous édifie car nous devons avancer et progresser et avoir un esprit tranquille. Car ce sera un élément perturbateur de la société. Nous avons besoin de stabilité. Je suis presque convaincu qu’il ne va pas encore tomber dans le piège tendu par son entourage. Il y a des pressions et on doit aussi savoir qu’il s’était engagé et avec des effets de droit. Il avait dit malgré les interpellations il doit savoir qu’il avait combattu en 2012 et quand son accession avait fait savoir qu’il ne ferait que deux mandats et organise des élections en toute démocratie. Qu’il nous parle de l’assemblée car ce qui se passe est grave. C’est l’espace d’expression de la volonté du peuple. On décide des lois du pays et il faut de la sérénité et si les réflexions ne sont pas nourries, le pays va vers une situation regrettable. Ce que nous avons vécu en 2022 est regrettable car l’image du pays est écornée. Les citoyens sauront que leurs intérêts passent au second plan. Il doit nous dire ce qu’il va faire pour que la gestion et la transparence soient une réalité dans ce pays. Qu’il dépasse le dire et passer au faire. Les discours, les gens en y ont assez entendu. C’est la pratique, le faire etc.
Ce discours est un moment solennel. On organise en même temps un concert de casseroles, Est-ce une sorte de blasphème ?
C’est une façon de manifester des désaccords. Mais nous avons besoin d’entendre ce que dit le Président et l’opposition aussi. Le concert de casseroles, au temps T où il va faire sa déclaration me semble inopportun. Il y a des moments pour le faire. Mais aussi le faire au moment de la déclaration n’est pas souhaitable.
Il y a une nouvelle forme d’opposition qui se dessine à travers les réseaux sociaux ! Comment vous l’analysez dans ce contexte ?
Je suis une militante de la paix et de conciliation. Je me suis battu et j’ai combattu pour que l’apaisement règne dans ce pays et partout. Ce que j’ai ressenti ces temps-ci c’est que cela me rappelle « Klu Klux Klan » et l’avènement des « Tonton macoutes » en Haïti. Il faut se battre et valoriser les idées et que le règne de la peur ne soit pas une réalité. Ce qui est le cas mais on ne sait pas où cela pourra nous mener. C’est inutile et dangereux et il ne faut pas qu’on joue à se faire peur. A mon avis, cette façon de faire ne règle rien mais cela risque de nous enfoncer. Il faut refuser cette atmosphère. Il faut se battre pour que les élections soient bien organisées et il ne faut pas que le pouvoir jette de l’huile sur le feu. Il y a des dérives et des provocations. Et l’opposition aussi doit refuser que le pays soit en feu. C’est un partage de responsabilité.
Pour que cet équilibre règne, la Société civile veut un dialogue. Est-ce opportun aussi ?
Le dialogue encore le dialogue et toujours le dialogue. Je suis favorable et j’y crois. Mais quel dialogue et comment faire du dialogue ? Car c’est là où se pose le problème. Dialogue pour dialoguer, sans résultats positifs, cela ne sert à rien. Ça fait perdre du temps et des moyens et il est important que ce dialogue soit bien pensé. La dernière fois, j’avais lancé un appel en faveur du dialogue avec des propositions concrètes et retenues. Mais la mise en œuvre a posé problème. Le président a un entourage qui l’empêche de jouer positivement car tout est sapé à la base. J’avais débuté et j’ai participé à des réunions mais j’ai dû quitter. Il y avait une volonté de briser l’esprit du dialogue. Du côté du pouvoir, ils étaient là pour chicaner et n’ont rien compris. C’est un problème de concertation et de réconciliation qui demandent des aptitudes. J’ai dirigé l’Institut des droits de l’homme et de la paix de l’Ucad pendant des années. Je sais de quoi je parle. Je l’ai réussi en Casamance. Mais là on y va avec des yeux bandés. Il n’y a pas de partage et il faut accepter que l’autre donne son point de vue. Mais se donner des coups et vouloir dialoguer mais c’est peine perdue.
Il y a eu cette manifestation de la société civile pour la transparence dans la gestion des fonds de la Covid. Que faut-il retenir de cette attitude ?
L’impunité, il n’y a rien de plus dangereux. Pourquoi on met des règles et des limites. ? Quand ces règles sont sapées, c’est de l’anarchie. J’ai fait une interview publiée récemment sur la question parce que la justice ne doit pas hésiter sur la question. Elle devait s’autosaisir. Il s’est passé des choses très graves et ce sont des détournements manifestes. Mais la justice doit aller chercher les coupables et sanctionner les auteurs. Il ne faut pas hésiter. Que Madior Fall n’hésite pas car il y a des faits de détournement de deniers.. Pour s’en sortir nous avons mobilisé nos moyens pour aider les plus démunies. Comment quelques personnes peuvent-elles se partagent cette somme ?
Moi, je n’ai pas mis de l’argent. J’ai fait confectionner des masques 100% coton que j’ai distribués. Mon argent n’a pas été détourné. Souvent on venait me demandait des masques. Ce sont des bons produits et je l’ai fait. Quand il y a eu la Covid j’ai dit qu’il nous fallait des masques et j’ai rencontré une équipe du ministère de la santé et nous avons discuté pendant deux heures. On s’est dit comment faire pour avoir des masques de qualité et nous avons rencontré des militaires. Et nous avons eu des meilleures qualités. Le peu d’argent que j’avais, je l’ai distribué aux populations avec des masques, gratuitement.
Ces cas de détournement ne vous surprennent pas trop ?
Non ! Car, dans notre pays, l’argent est perçu comme un dieu ou un demi-dieu. Donc adoré et pour des raisons politiques et des élections il y a des hommes politiques qui ont feu de tout bois et qui cherchent absolument à avoir des milliards à distribuer. Les gens prennent sans savoir la provenance. Alors il faut que cela cesse et il faut éviter de prendre des bonbons des politiques et aller voter. Elle est grave dans cette affaire et elle porte atteinte aux droits les plus élémentaires. Des bacs à fleurs achetés pour des millions avec la Covid, c’est scandaleux et en pleine pandémie.
Des personnalités dont Macky, Aissata Tall Sall, Madior Fall se sont dédits s’agissant du troisième mandat. Pourquoi cela malgré le verrouillage de la Constitution ?
Je vois que le président doit se méfier de son entourage. Il ne faut pas qu’il tombe dans ces pièges posés par des gens qui veulent conserver le pouvoir pour leurs intérêts. Deuxième chose, en 2012, avec les Cheikh Tidiane Gadio et autres personnalités , nous avions saisi le Conseil constitutionnel pour dire non à un mandat de Wade. C’était réfléchi. Ce qu’on n’ pas accepté pour Wade nous ne saurions l’accepter pour Macky Sall. Et à un moment donné ça tergiverse. Chacun peut avoir son interprétation du droit. Mais Excellence Monsieur le Président de la République, verrouillez. Mettez une disposition transitoire pour dire que les deux mandats sont les mandats de 7 ans et de cinq ans. Ce qu’il n’a pas fait. Les Sages doivent être sages et savoir que leur décision engage toute une nation et que cela peut brûler tout un pays. Mais je veux dire qu’il y a des éléments qui entrent en jeu quand on interprète l’article 27 de la Constitution, qu’il ne faut pas séparer de l’article 103 de la Constitution. L’art 27 parle de la réforme et en un moment donné Wade avait réformé la durée du mandat. De cinq à 7 ans. On est revenu à 5 ans. C’est la durée. Mais dans l’art 103 on parle de nombre et de durée du mandat. Le nombre n’a pas changé. La réforme porte sur la durée mais pas sur le nombre et c’est dans la Constitution. On ne peut pas leurrer le peuple. Les interprétations, c’est ce qu’on l’on enseigne aux étudiants de première année de droit avec la méthode de l’interprétation téléologique. Quand il y a une confusion entre la lettre et l’esprit, c’est l’esprit qui prime. Ici on avait dit 5 ans est la nouvelle durée. Mais au Sénégal on ne peut pas avoir trois mandats de 5 ans. C’est 15 ans. Un président doit savoir que le peuple ne peut pas supporter de le voir 15 ans au pouvoir. C’est trop. Le peuple refuse, ça suffit. Ce qu’on n’a pas fait en 10 ans c’est qu’on ne le fera plus. Donc l’esprit est de limiter le mandat dans un pays normal. D’autres pensent que c’est un pays de rois, etc. Dans l’article 103, qui existe aujourd’hui, on parle de nombre de mandat et de durée. Il y a eu des réformes sur la durée mais pas le nombre de mandats. Donc, il ne peut pas avoir un autre mandat. Il est jeune et il peut toujours revenir. Des présidents jeunes ont été matures et ont montré le bon exemple.
Le parrainage aussi est une préoccupation, car il vous a bloqué lors des législatives
Oui c’est à cause du parrainage que le Conseil constitutionnel nous a bloqués. Et puis il y a des épisodes malheureux. Le parrainage comme il est organisé est une solution malheureuse et c’est le parrainage lui-même qui est un problème. Dans notre pays, il faut d’autres systèmes. Et ça ne peut plus continuer tel que organisé par les textes. Il faut un autre système et faire du filtre une stratégie qui va permettre d’accroitre la démocratie et l’équité. Il y a des gens qui les achètent ces parrainages et c’est une injustice et ensuite on essaie de trouver la solution avec le premier venu et un tirage au sort. C’est dommage et inadmissible. Une personne ne peut pas parrainer deux candidats et on sait comment cela se passe. Tu peux parrainer un leader et un cousin te demande ta carte. Une personne peut parrainer mille autres, c’est impossible.
Pr Amsatou Sow Sidibé compte-t-elle se présenter lors de la présidentielle de 2024 ?
Vous aurez ma réponse sous peu mais j’ai un slogan que je veux proposer mais en wolof : « Djiguen gni nio ayé » (Ndlr : C’est au tour des femmes) (Djiguen gni nio momé en 2023) C’est le siècle des femmes. On a eu quatre présidents et on n’a pas beaucoup avancé. Mais essayons les femmes et elles gèrent leurs maisons, le dehors et l’intérieur, parfaitement. S’il y a à choisir entre une personne entre l’extérieur et l’intérieur et qui s’occupe de tout, face à un autre qui ne gère que l’extérieur, alors..
Mais la majorité des sénégalais ne pensent pas comme vous ?
Mais c’est pourquoi le peuple est fatigué. Les femmes d’abord c’est Dieu qui les a créées et les a mises au plus haut niveau. Malheureusement, nous avons une société indo-européenne. Car l’Islam est extrêmement protecteur des femmes, mais dans cette société indo-européenne, la femme est considérée comme du rien. C’est pourquoi on les enterrait vivantes quand elle naissait. Alors Dieu a dit « Arrêtez ! » La plupart interprète le rôle des femmes et c’est ce qui se passait en Arabie avant. C’est fini. Et puis il y a eu les européens. Elle était comme les sociétés des arabes et ne considéraient pas les filles et les femmes. Il y’avait le « Pater familias » avec le droit de vie et de mort sur les femmes et sur les enfants. L’Islam refuse de cela. Dans la tradition africaine, la femme est responsabilité. Ma mère Ndèye Oulèye Diaw vient d’une société, le Walo, où les femmes avaient le pouvoir. Donc tout est question d’éducation et il faut que les parents rééduquent. Gor bakhna-Djiguen bakhna »
Sur l’affaire Pape Alé Niang !
Je souhaite que l’année 2023 soit la meilleure. Mais sur l’affaire Pape Alé, je pense que l’humanitaire demande que ce dernier soit libéré et je lance cet appel. Il y a des décisions dépassées et ce n’est pas la peine de le garder en prison. Il faut s’occuper de sa santé.
Bien sûr, quand on est sous contrôle judiciaire, il y a des choses qu’il ne faut pas dire.